Il est possible que le touriste équatorien venu de si loin sur les traces de Paul Rivet soit un peu déçu : aujourd’hui, le musée du Quai Branly n’expose que trois objets appartenant à la collection équatorienne de Rivet. La plupart des pièces équatoriennes de la collection Rivet se trouvent dans la réserve, accessible sur rendez-vous. Mais aussi bien les objets de la réserve que ceux de l’exposition permanente peuvent être consultés sur le catalogue en ligne.
En effet, les quelques 1 318 pièces photographiées de la collection Rivet peuvent être visualisées sur Internet, sous forme de fiches fournissant des informations descriptives de base (typologiques, chronologiques, géographiques…). Ces pièces sont comme cristallisées dans le temps, et semblent attendre le chercheur qui viendra les sortir de leur profond sommeil. Le visiteur désabusé, -devenu, dans le meilleur des cas, un internaute enthousiaste-, devra, au fil des pages du catalogue en ligne**, se contenter de percevoir de façon fugace le parfum lointain et évanescent des voyages de Paul Rivet en terres équatoriennes.
Grâce aux recommandations du «maître», Paul Rivet consacra une attention toute particulière aux coutumes des ethnies qu’il parvint à connaître, mais aussi à leur passé, par le biais de l’exploration de sites archéologiques. Les lieux d’origine des pièces rassemblées par le scientifique reflètent ainsi son parcours à travers notre territoire, ainsi que l’influence de González Suárez: la plupart des pièces proviennent des provinces de Carchi, Cañar et Azuay, bien que les provinces de Pichincha, Chimborazo, Tungurahua, Guayas, Morona Santiago et Napo soient également représentées.
Des années plus tard, après avoir obtenu le poste de Directeur du Musée de l’Homme, Rivet insista sur le besoin de se représenter l’être humain comme un tout. Ce critère a sans aucun doute orienté le choix des pièces archéologiques de sa collection, parmi lesquelles figure un registre céramique abondant et varié (aryballes, poteries tripodes, bols, plats), un riche arsenal de guerre (pierres d’armes à jet, bâtons ou propulseurs, haches), objets décoratifs (« tupus », perles de colliers, ornements de nez, «llautos» ou ornements de couronne), pièces d’ordre rituel («conopas» [figurines votives], «tumis» [couteaux rituels], «mullu» [perles en coquillage de Spondyle], «tincullpas» [petites plaques en métal souvent utilisées en tant que masques ou pectoraux]), ou encore domestique (aiguilles, mortiers, fusaïoles). Dans son Ethnographie Ancienne de l’Équateur (1912), le chercheur mentionne quelques-unes de ces pièces, tout en signalant cependant ne pas vouloir se consacrer davantage à leur analyse, probablement dans l’attente d’une étude plus approfondie à ce sujet, étude qui -malheureusement- ne fut jamais concrétisé, ce qui est tout à fait compréhensible à en juger par l’immense quantité de matériel scientifique emporté par Rivet d’Amérique du Sud.
L’exploration du mystérieux site archéologique de Paltacalo offrit au Français l’occasion de contribuer à l’anthropologie physique du continent, bien que sa proposition au sujet de l’existence d’une race paléo-sud-américaine ne fut pas retenue. En revanche, l’aspect le plus pertinent de cette exploration est représenté par les pièces céramiques que Paul Rivet a trouvées dans la nécropole, et qui pourraient apporter quelques éclaircissements en ce qui concerne la connaissance du Formatif Initial de la Sierra équatorienne. Les six années que Rivet a passées en Équateur ont mis à sa disposition un corpus d’informations considérable, qui fut peu à peu exploité par le chercheur à travers des publications d’ordre anthropologique, ethnographique, archéologique ou encore lingüistique (pour ne citer que quelques approches). En plus de son Ethnographie Ancienne de l’Équateur citée plus haut, il faut également mentionner L‘Origine de l’Homme américain (1943), Les Indiens Colorados, récits de voyages et étude ethnologique (1905), ou La Langue Jíbaro ou Siwora (1909).
*Traduction de l’auteur de l’original en espagnol [Équateur] paru dans Apachita N. 8, Laboratorio de Arqueología/PUCE, Ernesto Salazar Éditeur, pp. 5-6. Quito, novembre 2006.
**Inscrire les termes «Paul Rivet» et «Equateur»