Emmanuelle Sinardet – Université Paris Ouest

Centre d’études équatoriennes, CRIIA – EA 369

Cette recherche a été publiée dans le volume thématique de la collection du GRELPP (Groupe de Recherches en Littérature, Philosophie et Psychanalyse) de l’Université de Paris Ouest Nanterre La Défense ; CRIIA (Centre d’Etudes Ibériques et Ibéro-américaines) – EA 369 : Amadeo López, Béatrice Ménard (éd.), Rêves et cauchemars dans la littérature de langue espagnole. Travaux et recherches N°7, Nanterre, Presses Universitaires de Paris Ouest, 2012, p. 114-132

Les critiques évoquent un boom de la nouvelle en Équateur à partir des années 1970, au point de parler d´un « nuevo cuento ecuatoriano (1)». Il est ainsi aujourd´hui impossible de comprendre la littérature équatorienne sans revenir sur la nouvelle, qui s´inscrit dans le panorama socioculturel contemporain même si elle relève aussi d´une longue tradition, manifeste dans l´oeuvre des auteurs du Groupe de Guayaquil des années 1930 par exemple. Le choix de la nouvelle renvoie en effet à une stratégie toute pragmatique de la part d´auteurs désireux de toucher un nombre maximal de lecteurs dans une société où l´acheteur de livres appartient aux secteurs privilégiés. La majorité de la population, par illettrisme, par pauvreté, en raison de la tyrannie de l´image, reste en marge des circuits de diffusion du livre. Comment atteindre le lecteur national et étranger ? Quelle forme choisir pour s´assurer des supports de diffusion autres que le secteur traditionnel de l´édition ? Quelles stratégies thématiques, stylistiques, linguistiques, culturelles, pour une plus grande réception ? Tels sont les enjeux qui président à l´écriture littéraire, en Équateur, dans les années 1990. Arturo Arias parle du « fantasma de las literaturas invisibles » propre aux auteurs des pays en voie de développement : « Una literatura invisible es una literatura que nadie lee, que nadie comenta, con la cual nadie dialoguiza, a la cual nadie toma en cuenta (2). » S´il est permis de parler de littérature « invisible » dans le cas de l´Équateur, nous n´assistons pas moins à l´éclosion d´auteurs de grande qualité.

Ce renouveau se manifeste non seulement par le choix formel de la nouvelle mais aussi, comme le souligne Raúl Vallejo, par une nouvelle préoccupation pour le langage, l´apparition de l´anti-héros, l´instauration d´un jeu avec le lecteur, notamment par la démultiplication du narrateur et des narrations (3). Surtout, il est indissociable d´une écriture féminine jusque-là marginale qui, à partir des années 1980, s´empare de la tradition de la nouvelle pour proposer sa façon de comprendre le réel, en rupture avec les générations précédentes. Ces auteures délaissent le ton engagé et la dénonciation des injustices, privilégiant, non sans humour, une thématique nouvelle, celle de l´incommunication entre les sexes.

Le motif du rêve occupe à ce titre une place privilégiée. Il illustre cet univers propre à la nouvelle nouvelle qu´Ernesto Albán Gómez, en l995, définit comme :

un universo entretejido de figuras ambiguas y de historias a medio camino entre la realidad y la ilusión, […] un mundo por el que obsesivamente rondan la frustración, la pesadilla, la humillación, la soledad, el insomnio, los espejismos y delirios del desdoblamiento, la falsedad, la locura y la muerte. (4)

Sommeil, demi-sommeil, cauchemar, message du subconscient, message des ombres d´un au-delà du réel tangible, dénouement absurde ou surprenant, polysémie, brouillage du sens, brouillage du temps et de l´espace, récupération du fantastique, voilà autant d´éléments que cristallise le motif du rêve pour mieux nourrir une réflexion sur les relations entre les sexes en cette fin de XXe siècle. Pour des raisons d´espace, nous limitons le présent travail à trois nouvelles, représentatives non seulement du renouveau littéraire à l´oeuvre mais des thématiques qui le sous-tendent, rêve en tête : de Violeta Luna (Guayaquil, 1940), « Locura » ; de Gilda Holst (Guayaquil, 1952), « La vida es sueño » ; de Carolina Andrade (Guayaquil, 1962), « La muerte de Fausto (5)».

Il s´agit de comprendre comment s´articulent les rapports entre rêve et réalité afin de souligner la dualité qui s´instaure entre illusion et vérité. Nous tenterons de montrer comment cette dualité recoupe celle, essentielle, entre homme et femme. De même, à la lumière de l´analyse de la fonction du rêve dans l´économie du texte, nous nous efforcerons d´observer comment les trois nouvelles proposent une lecture de la condition humaine, les dualités rêve-réalité et illusion-vérité renvoyant aussi aux dualités identité-altérité et déterminisme-liberté. Ce faisant, il conviendra de mettre en évidence la dimension narrative du rêve, rêver étant aussi le fait de se raconter des histoires au cours de la nuit, afin d´observer comment le motif du rêve sert l´écriture.

1 – Le rêve, pivot de la narration

Comme les autres auteures, le tirage des oeuvres de Violeta Luna, Gilda Holst, Carolina Andrade est limité, rarement plus de 1.000 exemplaires, et les rééditions s´avèrent exceptionnelles. Elles sont originaires de Guayaquil, les écrivaines équatoriennes étant largement issues des grandes villes de Quito et Guayaquil, où l´accès à l´éducation est plus aisé mais aussi la participation à des ateliers d´écriture organisés par les universités ou les maisons de la culture. Les revues et maisons d´édition, leurs réseaux et contacts, les éditeurs d´anthologies – devenues souvent le principal vecteur de diffusion – se concentrent également dans ces deux capitales. Les deux tiers des femmes écrivains recensées publient depuis les années 1985. Mais c´est depuis une dizaine d´années qu´elles se distinguent par leur nombre. Violeta Luna représente ainsi une première génération, ouvrant la voie de l´écriture féminine dans les années 1960 et 1970, après les pionnières des décennies précédentes. Résidente au Mexique, docteure en littérature de l´Université Centrale de Quito, elle est surtout connue comme poétesse. Elle est l´auteure d´un recueil de nouvelles, Los pasos amarillos, en 1970, dans lequel se distingue « Locura » par un jeu subtil avec le lecteur.

1. 1. – La vie est un cauchemar

Le jeu avec le lecteur repose sur la dualité rêve-illusion et éveil-réalité. La « je » narratrice affirme écouter attentivement son mari alors que ses yeux « dorment » placidement. Sommeil véritable et donc action rêvée ? Ou bien sommeil feint pour échapper au réel douloureux ? Le doute est entretenu. En effet, le corps du mari semble se déformer et croître, comme dans un rêve justement. Mais il est possible que l´action se situe dans la réalité et que la narratrice exprime là la terreur, l´impuissance de l´épouse face aux récriminations de l´homme. Le sommeil des yeux fermés peut alors être une métaphore du refus de la narratrice-personnage de voir, d´acter la réalité qu´elle subit.

La description prosaïque, l´action concrète, celle de l´homme donnant des coups de pieds de rage dans les jouets d´enfant, contribue à situer la narration dans le réel du monde de la veille, et non dans le rêve. Ce sentiment semble confirmé par la description du ressenti de la victime face à la violence crescendo, toujours factuelle : « Esos hilillos rojos me daban náusea, quería vomitar, sentía que la cabeza me daba vuelta (6). » Le réalisme de la violence subie est entretenu, parce que l´homme accusant sa femme d´être folle puis lui arrachant l´enfant des bras avant de la jeter durement contre le mur, reste décrit sobrement. La scène est parfaitement plausible dans le réel de la « vraie » vie. Nous voilà tentés de lire la narration comme une réalité cauchemardesque de laquelle la « je » narratrice et personnage ne peut échapper autrement que par le désir de croire qu´il s´agit là d´un songe. Mais si elle ferme les yeux pour ne plus voir, elle est forcée de tout entendre et de tout comprendre, rattrapée par la violence.

Les coups frappés à la porte annoncent pour le lecteur une première surprise : le médecin et l´infirmière psychiatres qui entrent ne viennent pas pour la femme, comme semblaient pourtant l´indiquer les propos de l´homme, mais pour ce dernier. C´est le mari qui est fou, et sa rage destructrice, qui le pousse à jeter son propre fils sur le lit, prend alors un sens nouveau : la « locura » qui donne son titre à la nouvelle renvoie à l´accès de folie de l´homme, non à l´hystérie ni à la jalousie maladive de la femme que le mari évoquait dans ses reproches.

Second rebondissement, le lecteur découvre que toute la scène a été rêvée :

Yo salí hasta las escaleras y grité desaforada :


– ¡Robertoooo… Rober-tooooo!!!


– ¿Qué sucede mi amor, qué sucede? […] Despierta querida, ¿qué pesadilla tuviste? Cuéntame. (7)

Le rêve était un simple cauchemar, invitant à relire la narration précédente comme irréelle et donc mensongère quant à la nature de la relation du couple. L´homme et la femme s´aiment tendrement ; ils sont sûrement fraîchement mariés puisque l´enfant n´est pas encore né.

Pourtant, un troisième rebondissement se produit pour le lecteur invité à réinterpréter la narration, sous un angle encore différent, avec la dernière phrase : « Recordé que mi suegra todavía vivía y arrugué la frente. » La femme est cette fois pleinement éveillée. Elle a d´abord rejeté l´épisode rêvé dans l´absurde et l´irréel du songe : « Volví a sonreir (8) » affirme-t-elle. Mais, pleinement consciente, elle semble accorder au rêve du crédit puisqu´elle fronce le front, de nouveau envahie par l´angoisse, en proie au doute. Le cauchemar devient rêve prémonitoire, annonçant l´enfant à venir, l´hostilité entre la bru et sa belle-mère et la violence du mari. L´homme qui dort est appelé à devenir le mari brutal qui tyrannise sa famille.

Sommeil et rêve, entre-deux du réveil et de la semi-conscience, veille et conscience, telles sont les trois phases qui structurent la nouvelle. Elles sont porteuses d´un message qui est aussi une révélation, non seulement celle du couple condamné à la mésentente dans le futur mais d´ores et déjà miné par la défiance dans le présent. La tendresse du présent n´est qu´une apparence que le rêve, prémonition porteuse d´une vérité inaccessible en état de veille, vient dynamiter. Cette fonction du rêve prévaut aussi dans la nouvelle de Gilda Holst « La vida es sueño (9) ».

1. 2. – La vie est un songe

La nouvelle se structure par l´alternance entre la narration omnisciente de moments réels et celle des rêves des deux protagonistes, Felipe et Mariana. Cette alternance renvoie à la dualité entre rêve et réalité, entre vérité et mensonge, pour raconter la naissance d´un couple.

Après la déclaration de Felipe, Mariana rêve des mains du jeune homme. La narration établit le lien entre les mains de la réalité, observées et admirées par Mariana, et les mains rêvées. Elles sont bien différentes. Initialement « morenas » et de « dedos largos », elles se déforment dans le rêve jusqu´à devenir leur exact contraire : « Gordas, rojizas, con uñas abultadas y con un anillo grande de oro atorado en el dedo meñique (10). » Rêve et réalité semblent s´opposer. Mariana donne sens à cette opposition : même si elle se sent flattée, elle n´aime pas Felipe.

La vérité est du côté du songe. À la réalité de la vie éveillée d´en prendre acte. Le rêve permet alors de fixer une ligne de conduite, invitant à faire rebondir l´action. Mariana prend ainsi la décision de ne pas correspondre à Felipe, tout en contenant sa flamme afin de ne pas perdre son amitié, espérant qu´il se lasse rapidement. Pourtant, la révélation du rêve s’estompe et le sentiment de flatterie semble prendre le dessus, altérant la ligne de conduite choisie par la jeune femme.

Felipe, de son côté, s´abandonne à la rêverie, restant au bureau la nuit venue. Il imagine la maison du jeune couple s´il parvenait à se former, à trouver piquante la vulgarité de la jeune femme, à idéaliser la paix d´une vie à deux, en définitive à se convaincre de la sincérité de son amour pour Mariana. Or cette vie éveillée est le lieu de l´illusion, comme l’indique le rêve qui s’ensuit : « Felipe no soñaba mucho y cuando lo hacía casi no lo recordaba (11). » Par cette entrée en matière, la narration pointe le rôle déterminant du rêve qui va être raconté, son caractère exceptionnel. Ce rêve, absurde en apparence, prend toute sa mesure dans la révélation qu´il impose à Felipe. Felipe y poursuit Mariana pour lui montrer une bulle d´air peut-être ce qu´il prend pour de l´amour, un sentiment superficiel et léger à l´instar de la bulle. Le dé qu’elle contient renvoie au destin qui est en train de se jouer, celui de Felipe qui décide, malgré tout, de conquérir Mariana. Car dans la scène suivante, chacun emprunte un ascenseur différent, mais dans le même trou comme Felipe le réalise ensuite : « Nunca podrían llegar al mismo lugar ni al mismo tiempo (12). » Leur relation est sans avenir, puisque la rencontre véritable, celle des coeurs et des âmes, semble impossible. Felipe continue d´ailleurs de poursuivre Mariana sans jamais parvenir à la rejoindre. Quand il semble sur le point de l´atteindre, « Mariana se [va] por las ramas y desaparec[e] en una especie de niebla (13) ».

Le rêve rappelle à Felipe une vérité crue : Mariana lui échappe ; elle ne l’aime pas. Comme le premier rêve de Mariana dont il est le pendant masculin, ce rêve est porteur d´une vérité inaccessible pour la conscience éveillée. Toutefois, Felipe persiste dans son projet sentimental et fait fi de la révélation du rêve. Ainsi la « vraie » vie est-elle un monde d´illusion où la vérité est travestie. La vérité du rêve se dilue dans les faux-semblants et l’orgueil d´une conscience traître.

C´est encore au rêve de rappeler que leur amour n´est qu´un leurre, à l’issue d’un rendez-vous. Mariana se réveille euphorique, car elle interprète son rêve, où elle peut s´abandonner aux plaisirs de la nage en mer sans craindre pour sa vie, comme le signe encourageant d´un risque à prendre : « Un baño de aguas profundas donde pudiera sumergirse, zambullirse, empaparse y sin peligro de darse contra el fondo, arriesgarse a ser mordida, comida, consumada por un tiburón que definitivamente no iba a quedar varado, valía la vida (14). » Pour sa part, Felipe fait un rêve fort similaire, où le lecteur comprend qu´il est le requin menaçant dont rêvait Mariana. Or, contrairement à Mariana, il se réveille profondément déprimé. Les voilà opposés, même en rêve. Ce couple n´a aucun avenir.

De nouveau, les deux protagonistes font fi de la révélation, pourtant insistante, du rêve : « Deprimido y eufórica, ambos se hablaron, se dijeron. Mariana lo encontró amurallado, Felipe la sintió comentosa, pero decidieron allí, fuera de este mundo, que la vida es efímera y que los sueños, sueños son (15). » L´épilogue en témoigne, qui décrit prosaïquement un couple faussement uni. « Viven en la realidad » justement, une réalité qui repose sur l´illusion du bonheur conjugal. Les faux-semblants dissimulent mal leur indifférence réciproque, « consumida Mariana y Felipe asfixiado […], Mariana estudiando a Freud y Felipe en frecuentes excursiones al campo (16) ». La vérité reste du côté du songe ; l´illusion, du côté du réel.

1. 3. – Le rêve est la vie

La dualité rêve-réalité, vérité-mensonge, avec des renversements de perspective qui sont autant de rebondissements pour le lecteur, est encore à l´oeuvre dans « La muerte de Fausto ». Elle recoupe également un autre jeu d´oppositions, vie-mort. Cette thématique illustre le travail de Carolina Andrade qui allie l´humour à la gravité pour traiter la mort, l´absence, la perte et la solitude (17).

La narration s´ouvre sur le motif du rêve : « Desde hace siete días Fausto se aparece en todos mis sueños para decirme que después de muerto le va muy mal (18). » Le rêve s´impose d´emblée comme un espace de révélation. Toutefois, c´est le mort, l´objet rêvé, qui attend la révélation et non la rêveuse. Fausto utilise le rêve pour communiquer depuis l´au-delà : « ¿Qué pasó, Elena? – Dicen que te suicidaste (19). » La situation incongrue nourrit l´énigme qui repose autant sur le mystère du décès de Fausto que sur les modalités de la communication entre un mort et une vivante.

La « je » narratrice et personnage, Elena, apparaît comme détentrice de la vérité, depuis le monde des vivants qui est aussi le monde de l´éveil. Mais rêve et réalité ne s´opposent pas. Au contraire, le rêve se présente comme l´espace de transmission de cette vérité, point de rencontre entre le monde des vivants et celui des morts.

Le mystère semble se lever dans le flash back de la narratrice qui éclaire ses relations avec Fausto. Celui-ci était son jeune amant, fils d´un associé de son mari. Elle le connaissait bien. Et Elena d´évoquer les penchants de Fausto pour les expériences extrêmes, en l´occurrence faire voyager son âme hors de son corps afin de découvrir les secrets de ses contemporains. Cette piste fantastique conduit le lecteur à penser que le suicide s´explique par une expérience qui aurait mal tourné. En effet, la narratrice le précise, ces voyages peuvent s´avérer dangereux, terrifiants, même si Fausto parvient à dominer l´exercice du dédoublement de soi « con plena conciencia y a voluntad (20) ».

Coup de théâtre pour le lecteur : « Yo no tengo corazón para herirlo, me daría mucha pena confesarle que yo lo maté (21). » Elena est l´assassin. Elle garde le secret face à un Fausto désespéré, conservant sur lui une emprise qui lui échappait du vivant du jeune homme.

Finalement, c´est dans le rêve que la protagoniste connaît une « vraie » vie, haletante cette fois, faite de passion, de sexe, de pulsions, de meurtre. Elle échappe aux convenances du mariage, à la comédie du couple heureux, aux faux-semblants d´une vie imposée par les normes sociales. Dans cette perspective, le rêve est la vie. Nous comprenons ainsi pourquoi ce qui devrait être un cauchemar, le fantôme venant hanter la conscience de la meurtrière, est un rêve somme toute paisible : il prolonge l´aventure et la passion, malgré l´embarras d´Elena face à Fausto. Dans ce rêve, Elena, la mère au foyer respectable et discrète, peut redevenir cette femme flamboyante qui conserve sur l´homme convoité son emprise. Le rêve est l´espace où la vraie personnalité s´exprime. En revanche, la réalité est aliénante : les individus sont asphyxiés par les normes, contraints de singer le bonheur familial.

2 – L´impossible communication entre les sexes : le cauchemar du couple

La dualité entre rêve et réalité, entre vérité et mensonge, converge vers un même thème : le couple, plus exactement l´illusion du couple. Les personnages, même en couple, surtout en couple, sont renvoyés, par le biais du rêve, à travers ses révélations, à leur solitude. Le couple n´est pas le lieu de l´échange, de la communication, mais celui de l´enfermement et de la violence dans « Locura », de la trahison dans « La muerte de Fausto », au mieux de l´indifférence dans « La vida es sueño ».

2. 1. – La tragédie du couple

Dans « Locura », le rêve décrit la relation homme-femme non seulement sur le mode de la violence mais aussi sur celui des clichés misogynes. Les reproches de l’homme décrivent une « golfa » hystérique, une femme primaire et idiote, une mégère jalouse et envieuse, qui considère sa belle-mère comme une rivale. Maladivement possessive, elle cause le malheur de la famille. Elle est la mauvaise mère dont les enfants auront honte et l´épouse vénéneuse et hargneuse qui détruit la paix de l´homme, sa tranquillité, son bonheur.

La révélation du rêve prémonitoire ne concerne pas seulement les deux protagonistes. Par l´accumulation des clichés, elle prend une dimension universelle. Le drame conjugal qui se noue est celui de tous les couples. La « je » narratrice et personnage reste d´ailleurs anonyme : elle renvoie à une condition dont la réalité ne saurait se limiter à l´Équateur.

Le drame conjugal se présente en effet comme une fatalité universelle, celle de la tragédie des sexes. L´homme brutal du rêve prémonitoire est d´abord sincèrement amoureux, tendre, dévoué, comme l´atteste la phase d´éveil. Mais le malheur du couple, l´impossible bonheur à deux, est en germe dès les premiers moments de l´union, malgré les apparences ; telle est la révélation du rêve, en l´occurrence du cauchemar.

La distance irrémédiable entre homme et femme est manifeste dans la réaction de la jeune amoureuse à qui le mari demande de raconter son cauchemar. Elle répond par des « non » angoissés. Libérée du sommeil mais sans être totalement en éveil, la conscience féminine semble exprimer spontanément la méfiance : l´homme, même aimé, ne saurait devenir son confident. Il ne pourrait accepter de s´entendre dépeint comme un bourreau, y compris en rêve. Si le rêve prémonitoire annonçait déjà le couple comme prison, la phase du réveil, cet entre-deux flou, dévoile que la communication entre l´homme et la femme ne peut être que superficielle, car la défiance caractérise la relation entre les sexes.

2. 2. – La comédie de l´union

La nouvelle de Gilda Holst traite également de l´impossible rencontre entre les sexes. L´amour n’y est pas spontané mais volontariste, décidé par Felipe, et donc artificiel. D´où la surprise de la principale intéressée : « Cuando Felipe decidió que estaba enamorado de Mariana, ella fue la más sorprendida (22). »

Le couple n´a de cesse de se mentir à lui-même. La conscience libérée et assumée se trouve dans le songe. Aussi, pour le lecteur qui commence à saisir le fonctionnement entre rêve et réalité, les sentiments naissants à l’issue du rendez-vous de la pizzeria, où Mariana et Felipe se quittent troublés, comme convaincus que quelque chose les unit, ne sont-ils qu´illusion. En l´occurrence ils sont aussi vanité : « En la casa de cada cual, se sintieron oscuros y únicos (23). » Derrière la façade du couple, chacun reste convaincu de son unicité, de son individualité, rendant impossible l’union.

Il y a coexistence, juxtaposition, et non rencontre de deux êtres. Le rêve de Mariana, la nuit suivante, semble identique à celui de Felipe. Mais il débouche sur une conclusion bien différente. Elle se baigne dans la mer, malgré ses appréhensions, échappant à un requin. Ce rêve, qui la rend euphorique au réveil, est considéré par Felipe comme un cauchemar : « Felipe, en cambio, ese día se levantó deprimido. Había tenido una pesadilla, en la que, persiguiendo a Mariana que nadaba como una sirena por un mar tormentoso, había sentido que se ahogaba (24). » Le requin poursuivant la sirène Mariana s´avère être un avatar de Felipe.

Le voilà prédateur, qui plus est un prédateur qui se noie. Le rêve annonce le couple comme une forme de destruction, une aliénation.

Le rêve oppose Mariana et Felipe en pointant leur incompatibilité fondamentale. S´ils s´unissent, c´est parce qu´ils décident ne pas croire en la révélation du rêve. L´union repose sur un double mensonge : ils se mentent l´un à l´autre mais aussi à eux-mêmes. Tel est le sens de « decidieron allí, fuera de este mundo, que la vida es efímera y que los sueños, sueños son ». Ils rejettent la vérité du rêve. C´est dans la réalité de l´éveil qu´ils se trouvent « fuera de este mundo », puisque leur réel est l´espace de l´illusion et du mensonge. Aussi la vie de couple, dans sa réalité éveillée, ne peut être que la comédie de l´amour, l´apparence de l´union.

Mariana, qui s´est aveuglée en épousant un homme dont elle savait les sentiments peu sincères, en doutant des siens à son égard, se consacre à l´étude de Freud. Elle prétend explorer son inconscient, détenteur d´une vérité sur elle-même qui lui échapperait. Elle le fait de façon consciente, dans le monde « réel », alors que cette vérité lui est apparue à plusieurs reprises en rêve, qu´elle l´a touchée du doigt avant de délibérément la nier et l´enfouir. Sa réalité reste illusion et mensonge envers soi. De son côté, Felipe opte pour la fuite physique, se consacrant à de nombreuses excursions champêtres. Mariana et Felipe sont seuls. Chacun reste enfermé dans un univers qui est aussi une stratégie d´évitement. Incapables d´affronter la vérité, ils ne peuvent parvenir à une forme de communication véritable. « Dicen que no les va mal (25) » ; la nouvelle se referme sur cette conclusion dont le lecteur est à même de déchiffrer la fausseté.

2. 3. – La solitude à deux

Proposant également une réflexion sur la solitude au sein du couple, « La muerte de Fausto » narre un adultère qui se veut le démenti cinglant des faux-semblants conjugaux. Mais Elena sape également le mythe de l´harmonie familiale. Elle transgresse d´abord l´ordre générationnel : son amant est le fils de l´associé de son mari. Il fait d´ailleurs, à ce titre, partie du cercle familial, l´adultère prenant des allures incestueuses, même s´il ne s´agit pas d´un inceste à proprement parler. Nouvelle transgression, la mère devient la rivale de sa fille, attirée par Fausto. De surcroît, elle se décharge de toute culpabilité en insinuant que c´est la passion de sa fille pour Fausto qui l´a poussée dans les bras de ce dernier : « […] No cesaba de elogiar lo maravilloso que era y, como era de esperarse, terminó por convencerme (26). » Enfin, Elena devient l´initiatrice sexuelle du jeune homme, à mille lieux de l´image de femme au foyer rangée qu´elle cultive.

Pourtant, le jeune amant ne représente aucune échappatoire à l´ennui conjugal et familial. Le couple, comme rencontre véritable entre l´homme et la femme, demeure une utopie, même avec Fausto. La relation devient vite superficielle. La distance s´instaure, renvoyant la femme à sa solitude. Fausto en vient à lui rappeler son mari : « Como broma, o tal vez para impresionarme, me dejó un par de veces haciendo el amor sola con su cuerpo ; fue incómodo, me hizo acordar de mi esposo (27). » Qui plus est, il rit de la colère de la femme blessée, indifférent à l´humiliation qu´elle vient de subir, même s´il s´en excuse :

Fausto se rió muchísimo de mi enojo ; después, cuando me vestía, me pidió disculpas varias veces.


– Te prometo que no va a volver a pasar.


– Eso espero – le dije -. No me gusta que te rías de mí. (28)

Le suicide se révèle être un assassinat perpétré par Elena. Le motif en est cette humiliation de trop qui l´a plongée – du moins le lecteur le soupçonne-t-il – dans une rage meurtrière. Le meurtre n´est pourtant pas une libération, mais l´expression de pulsions incontrôlées chez la femme aliénée. En effet, il ne fait que renvoyer Elena à sa solitude : elle ne peut parler de Fausto à personne ; elle est tenue au secret. Les rencontres avec le défunt, le temps du rêve, l´enferme davantage encore. Elle ne peut se résoudre à lui confesser la vérité. « Además, jamás lo entendería (29) » conclut-elle. La communication, la compréhension réciproque demeurent impossibles entre la maîtresse et l’amant, comme entre le mari et l´épouse.

Il ne s´agit pas là d´une écriture féministe, dans la mesure où elle ne prétend pas militer pour l´émancipation des femmes, mais d´une écriture féminine où les relations de couple sont perçues, décrites, ressenties par des protagonistes féminins, comme le rappelle Raúl Vallejo :

[Propuestas estéticas y éticas de aliento profundo] han irrumpido en la nueva narrativa para darnos una visión de la mujer desde la mujer y problematizar dicha cuestión desde una perspectiva novedosa : ya no el ‘objeto amado’, sino el ‘sujeto que ama’, ya no el objeto del que se habla, sino el sujeto que habla no sólo desde su punto de vista sino desde su propio tono de voz. (30)

Soulignons que le propos n´est pas exclusivement centré sur la femme. Il vaut aussi pour l´homme, car c´est la relation homme – femme comme faillite irrémédiable qui se trouve au coeur des différentes narrations. Roberto est enfermé dans un hôpital psychiatrique. Felipe ne parvient jamais à s´ouvrir à Mariana alors même qu´il souhaite lui dévoiler son âme : « Pero era una cuestión vital que Mariana no lo malinterpretara, que conociera lo más íntimo de él, que comprendiese lo que él era en sus sueños, en sus más mínimos gestos (31). » Fausto est assassiné, trahi, dépossédé de la vérité de sa propre mort, condamné à hanter les rêves de celle à qui il accorde toute sa confiance mais dont il ignore qu´elle est la meurtrière. Si le propos prend une dimension subversive, c´est dans le dynamitage des faux-semblants, dont sont victimes autant les hommes que les femmes :

Busc[a] afanosamente la reconstitución del sujeto/persona, creando personajes atrapados entre el odio y el amor ; entre las convenciones sociales y su identidad personal mutilada ; entre el placer descubierto por la celebración de los sentidos y los tabúes sociales que rigen una falsa moralidad impuesta ; entre los conflictos pecaminosos de una sexualidad incomprendida y el optimismo lúdico y sensual de una sexualidad intuida aunque, a veces, trágicamente recuperada al fin. Personajes, en suma, que pueden vivir intensamente, desde sus situaciones-límite tanto físicas como sicológicas, la esencia de la condición humana con sus triunfos y fracasos. (32)

3 – Rêve et condition humaine : libération-aliénation

Les dualités rêve-réalité, homme-femme, recoupent ainsi les conflits intérieurs des personnages, empêtrés dans leurs contradictions et mensonges, prisonniers de la dualité entre identité et altérité, aliénation et libération. Pour les psychanalystes, l’inconscient, pendant le sommeil du « moi », exprime, par le biais de symboles, la personnalité profonde du rêveur, ses désirs, ses pensées latentes qui gênent la conscience. Le rêve permet la présentation à la conscience de questions censurées ou occultées par le « moi ». En l´occurrence, une forme d´identité profonde se trouve ici dans le rêve. Analysant la spécificité de la nouvelle en Équateur, Pablo Martínez évoque une écriture qu´il qualifie de postmoderne mais dont les enjeux relèvent parfaitement, à notre sens, de la fonction du rêve dans les trois nouvelles :

Los cuentos son mundos ficticios paralelos a la realidad pero dependientes de ella, «surgidos» de ella pero en constante enfrentamiento con ella. Una especie de laberinto de espejos en el cual, autores y personajes se hallan reflejados y atrapados en la encrucijada de sus propias contradicciones históricas y personales ; en la encrucijada de ajenas limitaciones y condiciones impuestas por la historia, la sociedad, la política y la economía. Tal encrucijada […] es una situación de conflicto y desafío tanto para los personajes como para los lectores, que se resuelve muchas veces en una cadena de resistencias y nuevos enfrentamientos. De allí surge el movimiento pendular que a nivel de personajes, acontecimientos, ambientes y dimensión espacio-temporal, singulariza a estos cuentos como textos culturales : alteridad e identidad, alienación y pertenencia, presencia y ausencia, presente y futuro, cosmopolitismo y localismo, historia y metaficción, tragedia y comedia. (33)

La nouvelle « Locura » oppose le réel directement perçu à sa représentation dans le rêve et en fait une réalité indépendante de celle de l’état de veille. Or, c’est justement dans cette réalité-là que la « je » narratrice se découvre : elle met à jour l’identité de l´homme à ses côtés, un tyran en devenir, et la sienne, celle de la femme terrorisée et soumise. Le rêve préside ici à une découverte qui crée le suspens sur lequel se referme la nouvelle. Voilà la protagoniste confrontée à un choix essentiel, celui de l´identité et de la libération ou bien celui de l´altérité à elle-même et de l´aliénation. Au lecteur d´imaginer ce qu´elle décidera, si elle refoulera la révélation du rêve ou bien si elle en tiendra compte pour se libérer.

Les personnages des deux autres nouvelles sont également confrontés à la difficile quête de l´identité. À l´instar du Faust de Goethe, Fausto s´offre au diable en s´en remettant aveuglément à son assassin. Surtout, comme Faust, figure de l´humanité souffrante et tiraillée, il est une âme perdue. Il a perdu son corps et cherche à le récupérer, à le réintégrer, à revenir à une unité et à une forme de complétude. Cette quête vitale, celle de la réconciliation avec soi-même, reste forcément vaine, puisqu´Elena est bien décidée à lui mentir. Dans de nombreuses cultures, à travers le rêve, les défunts font passer des messages aux vivants. La nouvelle prend ici le contre-pied de cette tradition : Fausto n´a aucun message à faire passer et, pitoyable, il est condamné à rester étranger à lui-même, à l´image de son corps et de son âme clivés.

Il en va de même du couple de « La vida es sueño ». Le titre renvoie à l´oeuvre de Calderón de la Barca, elle-même inscrite dans une longue tradition qui considère la vie comme un rêve, de la pensée hindoue à la mystique perse, de la morale bouddhiste à Platon – dans La République de Platon, l´homme vit dans un monde de songes, de ténèbres, prisonnier d´une caverne dont il se libérera uniquement par la quête du Bien –. Sigismond vit dans une prison où il est maintenu dans la plus complète obscurité par l´ignorance et la méconnaissance de lui-même. C´est seulement lorsqu´il découvre qui il est qu´il se libère et va vers la lumière. À Mariana et à Felipe d´adopter la même démarche.

Le travail du rêve consiste à reformuler les conflits à l´oeuvre dans la structure psychique et les expériences du rêveur. L’interprétation est la voie menant à l’inconscient mis à jour. Mais les personnages de « La vida es sueño » rejettent la démarche constructive de l´interprétation comme moyen d’explorer une réalité interne puis d´en tirer profit. Ils démentent l’adage de Macbeth selon lequel les rêves sont les chefs nourriciers du festin de la vie. Pour des personnages lâches et aveugles comme Mariana et Felipe, le rêve ne peut être exploité à bon escient. Ses révélations, parce qu´elles sont ignorées et même niées, condamnent les personnages à l´aliénation.

Face à la profondeur de l´inconscient comme forme de vérité, exprimée par le rêve, se pose le choix de l´individu conscient, prisonnier de lui-même mais capable d’échapper au déterminisme de l’aliénation par le choix de la libération. Or les personnages ne commettent pas d´erreur dans l´interprétation du désir inconscient que le rêve se charge d´accomplir, selon le principe du déterminisme psychique de Freud. Ils ne se laissent pas piéger par la formation réactionnelle s’opposant à la réalisation de ce désir. Ils dégagent le contenu manifeste du rêve de la déformation qu’il a subie. Pourtant, ils font le choix, tragique, d´écarter la révélation du rêve.

Le rêve permet la présentation d’une autre réalité que le réel mais supérieure à celui-ci parce qu’il est le lieu d´une vérité de soi. C´est pour cette raison que les rêves semblent ici si réalistes, malgré les invraisemblances d´un mort dialoguant avec la rêveuse, malgré des corps et des mains qui se déforment. L´absurde y est moins présent que dans la réalité où l´identité profonde, les aspirations intimes sont étouffées. Les personnages éveillés, eux, depuis la caverne de la réalité, vivent, au mieux, leur aliénation dans l´indifférence et le détachement comme Mariana et Felipe mariés, ou bien laissent s´exprimer des pulsions destructrices comme la meurtrière Elena.

La dualité à l´oeuvre, irréconciliable, vient contredire les propos de Carl Jung pour qui « la fonction générale des rêves est d’essayer de rétablir notre équilibre psychologique à l’aide d’un matériel onirique qui, d’une façon subtile, reconstitue l’équilibre total de notre psychisme tout entier (34) ». Ce que Jung appelle la « fonction complémentaire des rêves dans notre constitution psychique » n´est pas à l´oeuvre dans les nouvelles. Pour lui, les rêves sont une porte ouverte sur l’inconscient mais, par rapport à Freud, il élargit leurs fonctions. Les rêves deviennent chez Jung la voie d’un développement personnel compris comme un accès à une prise de conscience qu´il appelle individuation. L’individuation n’a d’autre but que de libérer le Soi des images inconscientes, des fausses enveloppes, des fausses croyances de notre raison sur nous-mêmes. La « je » narratrice de « Locura » vient peut-être d´enclencher ce processus (et encore, dans la mesure où le lecteur accepte de croire en une prise de conscience de sa part) mais Mariana et Felipe s´en détournent tout comme Elena, prisonnière de sa solitude, ou Fausto, errant en âme en peine. La dualité rêve-réalité finit par recouper la dualité déterminisme-liberté, nos personnages ne parvenant jamais à la dépasser ni à trouver la voie de l´individuation. Dans cette dualité réside la dimension tragique des trois nouvelles, en dépit de leurs aspects ludiques, malgré l´humour.

Énigme envoyée par une activité mentale inconsciente, le rêve est le prototype du récit à portée herméneutique, qui suscite des efforts d’élucidation. Il met ici en lumière, telle est du moins notre interprétation, un jeu d´oppositions duelles entre rêve et réalité, vérité et illusion, mais aussi entre déterminisme et liberté. Dans cette perspective, il ne renvoie pas seulement à l´impossible compréhension entre homme et femme et par conséquent à la faillite du couple : il illustre également « lo esencial de la condición humana (35) », où l´individu se voit confronté au choix essentiel d’une quête libératrice mais que la liberté effraie.

Évidemment, loin d’être fortuite, l’insertion d’un rêve dans le récit est commandée par la volonté de proposer au lecteur un matériau qui enclenche le travail d’interprétation, exigeant de sa part une participation active. La portée du texte devient plurivoque, alors que le récit, truffé de rebondissements et de surprises, nécessite plusieurs lectures. Le texte représente ainsi « un mapa de navegación del lector ; presenta escollos metafórico-linguísticos que impiden en una primera lectura llegar al tesoro escondido de la simbología del relato pero que paradójicamente lo posibilitan en re-lecturas subsecuentes (36) ». Aussi, à ce stade de la réflexion, en tant que lecteur décodeur, nous ne pouvons nous empêcher de nous interroger. Dans les trois nouvelles étudiées, quel est l´enjeu principal ? Il peut être de créer le doute ontologique caractéristique du postmodernisme. Il peut s´agir d´écrire une parabole de la condition humaine. Toutefois la réflexion sur le destin de l´homme, sur sa faible capacité à échapper à un déterminisme tragique, parce qu’elle s’appuie sur le motif du rêve et organise un jeu avec le lecteur, vise tout autant, paradoxalement, un plaisir gratuit qui ne prête pas à conséquence.

NOTES
(1) Nous traduisons « cuento » par nouvelle pour éviter tout contresens.
(2) Cité par Pablo A. MARTÍNEZ, « Postmodernidad y cultura popular urbana : dos proposiciones sobre el nuevo cuento ecuatoriano para el siglo XXI »
(3) VALLEJO Raúl, Una gota de inspiración, toneladas de transpiración : antología del nuevo cuento ecuatoriano, Quito, Libresa, 1990, p. 18-25.
(4) Cité par Pablo A. MARTÍNEZ, « Postmodernidad y cultura popular urbana : dos proposiciones sobre el nuevo cuento ecuatoriano para el siglo XXI », op. cit.
(5) Ces trois nouvelles se trouvent dans l´anthologie de Miguel DONOSO PAREJA, Antología de narradoras ecuatorianas, Quito, Libresa, 1997, 401 p. « Locura » de Violeta LUNA (qui y figure p. 253-255) a été publiée dans le recueil Los pasos amarillos en 1970 ; « La vida es sueño » de Gilda HOLST (p. 282-285) dans Más sin nombre que nunca en 1989 ; « La muerte de Fausto » de Carolina ANDRADE (p. 373-375) dans Detrás de sí en1994.
(6) LUNA Violeta, « Locura », op. cit., p. 254.
(7) Ibid., p. 255.
(8) Id.
(9) Gilda Holst, titulaire d´une licence de lettres de l´Université Catholique de Guayaquil, a été directrice de l´Ecole de littérature de cette université. Elle est l´un des chefs de file du renouveau de la nouvelle équatorienne, aux côtés de Liliana Miraglia, Aminta Buenaño, Carolina Andrade, Jorge Martillo ou Jorge Velasco Mackenzie, à travers plusieurs recueils de nouvelles, de nombreuses participations à des revues ou anthologies, notamment Revista Hispanoamérica 48, El muro y la intemperie (1989), Así en la tierra como en los sueños (1991) et Cuento contigo, Antología de Cuentos Ecuatorianos (1993).
(10) HOLST Gilda, « La vida es sueño », op. cit., p. 282.
(11) Id.
(12) Ibid., p. 283.
(13) Ibid., p. 284.
(14) Ibid., p. 285.
(15) Id.
(16) Id.
(17) Également titulaire d´un diplôme de lettres de l´Université Catholique de Guayaquil, membre de plusieurs ateliers d´écriture, Carolina Andrade a publié de nombreuses nouvelles dans des recueils et anthologies, notamment Detrás de sí (1994), De luto (1998), El libro de los abuelos (1990), 40 cuentos ecuatorianos (1997), Cuento ecuatoriano de finales del siglo XX (Quito, 1999), Nuevos proyectos de escritura ecuatoriana (2000), Cuento ecuatoriano contemporáneo (México, 2001).
(18) ANDRADE Carolina, « La muerte de Fausto », op. cit., p. 373.
(19) Id.
(20) Ibid., p. 374.
(21) Ibid., p. 375.
(22) HOLST Gilda, « La vida es sueño », op. cit., p. 282.
(23) Ibid., p. 284.
(24) Ibid., p. 285.
(25) Id.
(26) ANDRADE Carolina, « La muerte de Fausto », op. cit., p. 374.
(27) Ibid., p. 374-375.
(28) Ibid., p. 375.
(29) Id.
(30) VALLEJO Raúl, « Petróleo, J.J. y utopías: cuento ecuatoriano de los 70 hasta hoy », in Crítica literaria ecuatoriana, PÓLIT DUEÑAS Gabriela (dir.), Quito, FLACSO, 2001, p. 343.
(31) HOLST Gilda, « La vida es sueño », op. cit., p. 284.
(32) MARTÍNEZ Pablo A., « Postmodernidad y cultura popular urbana : dos proposiciones sobre el nuevo cuento ecuatoriano para el siglo XXI », op. cit.
(33) Id.
(34) JUNG Carl G., L´homme et ses symboles, Paris, Robert Laffont, 1964, p. 49.
(35) MARTÍNEZ Pablo A., « Postmodernidad y cultura popular urbana : dos proposiciones sobre el nuevo cuento ecuatoriano para el siglo XXI », op. cit.
(36) Id.
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