M. Claude Lara Brozzesi
Délégué Permanent Adjoint de l’Équateur auprès de l’UNESCO
Délégué Permanent Adjoint de l’Équateur auprès de l’UNESCO
«Quito et les Iles Galápagos, dont l’inscription avait été proposée par l’Equateur, figurent sur cette liste. Et cette consécration de leur valeur universelle est un hommage rendu, à la fois, à la beauté d’un pays et à la qualité de ses hommes«. Amadou-Mahtar M’Bow, Directeur Général de l’UNESCO
Alors qu’en 2012, la Communauté internationale célèbre les quarante ans de la Convention sur la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de l’UNESCO (1972-2012), il nous semble indispensable -avec de nouveaux documents à l’appui et en guise de contribution au quarantième anniversaire-, de participer à une meilleure diffusion des activités de la diplomatie culturelle de l’Équateur qui, en 1978, a obtenu que le Centre historique de Quito et l’archipel des Galápagos soient les premiers sites au monde à être enregistrés sur la Liste du Patrimoine Mondial, mécanisme fondamental de ce traité.
En guise d’introduction, rappelons les propos si pertinents de l’Ambassadeur Mauricio Montalvo à ce sujet: «Au vu du rôle décisif qu’a joué le Ministère des Affaires Étrangères dans ce processus, sans lequel l’inscription aussi bien du Centre Historique de Cuenca que de la Réserve Marine des Galápagos sur la Liste du Patrimoine Mondial aurait été impossible, je crois que l’occasion est propice pour revenir sur l’assiduité et la participation de la diplomatie équatorienne dans le domaine du patrimoine mondial. En effet, il s’agit d’un rattachement qui ne se limite pas à ces cas récents, mais bien au contraire, qui remonte aux origines mêmes du patrimoine mondial. Comme on pourra le voir dans les lignes qui vont suivre, le Ministère des Affaires Étrangères a été présent, d’une façon ou d’une autre, dans tous les événements les plus importants et les plus décisifs liant l’Équateur au patrimoine mondial. Dans tous les autres sites du pays inscrits sur la Liste (Centre Historique de Quito, Îles Galápagos et Parc National Sangay), aussi bien dans leurs processus de nomination que dans leur gestion successive, l’attention et la diligence de la diplomatie équatorienne ont été manifestes» (1).
Ainsi que l’exprime si bien l’Ambassadeur Montalvo, non seulement «les Îles Galápagos et le Centre de Quito ont l’honneur de figurer parmi le premier groupe de sites mondiaux inscrits sur la Liste, mais -de surcroît-, le registre officiel du Patrimoine Mondial leur a attribué les inscriptions 1 et 2, respectivement» (2).
En effet: «La diplomatie équatorienne participa aux démarches liées au patrimoine mondial depuis la gestation de la réunion d’experts qui prépara le projet de Convention. D’après les archives pertinentes, A. Darío Lara, alors Attaché Culturel de l’Équateur en France, participa au processus au nom de l’Ambassade (Paris, 4-22 avril 1972), tandis que, au cours des réunions de la Conférence Générale qui approuva la Convention (16 novembre 1972), ce fut Filoteo Samaniego, -Directeur National du Patrimoine Artistique à l’époque-, qui représenta l’Équateur dans la discussion. L’Équateur devint le quinzième pays au monde et le premier en Amérique Latine à faire partie de la Convention ; l’instrument d’approbation fut ratifié par le Ministre des Affaires Étrangères, -M. Antonio Lucio Paredes, le 30 septembre 1974-, puis le dépôt par Carlos Uribe Lasso, alors Chargé d’Affaires auprès de l’UNESCO ; ainsi, dès le 16 juin 1975, l’Équateur fait partie de la Convention (3).
Afin de remettre en contexte la valeur historique des documents que nous présenterons ci-dessous, voici quelques explications nécessaires à une meilleure compréhension de tout le processus: «L’Équateur fit partie du premier Comité Intergouvernemental (1976-1980) à qui fut confié l’examen, l’évaluation et l’approbation des premiers sites à être admis sur la Liste. Ce fut l’Ambassadeur Antonio Lucio Paredes lui-même qui obtint cette participation -à titre de Délégué Permanent auprès de l’UNESCO entre novembre 1975 et octobre 1979-, et qui représenta le pays lors de la première séance de l’Assemblée Générale des États Membres de la Convention (Nairobi, Kenya, 26 novembre 1976). Ce fut ce premier Comité qui inscrivit les Îles Galápagos et le Centre Historique de Quito. Aux côtés de Rodrigo Pallares, Directeur de l’Institut National du Patrimoine Culturel, Luis Gallegos Chiriboga-, alors Conseiller à Washington-, représenta l’Équateur dans cette réunion historique qui eut lieu à Washington le 8 septembre 1978. Si l’on prend en considération l’époque de la présentation et de l’expérience limitée du Comité, les dossiers des Galápagos et de Quito sont assez simples et dénués des sophistications techniques exigées aujourd’hui. Certes, les vertus intrinsèques des deux sites rendaient leur admission sur la Liste évidente, ce qui n’empêche pourtant pas de reconnaître l’importance du rôle qu’ont dû jouer les délégués équatoriens dans la défense et la qualification des nominations. Bien que les délégués n’aient pas été chargés d’élaborer et de présenter ces dossiers, il faut reconnaître la contribution à ces nominations -et, en termes généraux, à la participation active du pays dans les premières années d’entrée en vigueur de la Convention-, de l’Ambassadeur Lucio Paredes (déjà cité), de Gonzalo Abad Grijalva, -d’abord en tant que membre du Conseil Exécutif de l’UNESCO (1976-1980), et ensuite, en tant que Délégué Permanent de l’Organisation (entre février 1980 et juin 1983)-, et enfin, de Patricio Palacios, Délégué Adjoint qui intervint à plusieurs reprises en tant que Chargé d’Affaires (4).
Le résultat obtenu par la diplomatie équatorienne fut souligné avec clarté et précision par Amadou-Mahtar M´Bow, Directeur Général de l’UNESCO, qui fut invité à Quito le 27 juillet 1979, occasion au cours de laquelle il affirma: «L’Équateur, premier pays d’Amérique Latine à ratifier la Convention, a été élu membre et vice-président du Comité dès la première Assemblée Générale des États Parties. Il a été aussi le premier État à la Convention à soumettre des propositions d’inscription à la liste du Patrimoine Mondial». Nous reproduisons donc ci-dessous l’intégralité de son discours, ainsi que les parties les plus pertinentes, -probablement traduites pour la première fois en espagnol-, du rapport de la deuxième séance du Comité Intergouvernemental pour la Protection du Patrimoine Mondial Culturel et Naturel, d’octobre 1978. Pour conclure cet hommage, nous rajoutons une série d’articles de A. Darío Lara, qui, en tant que diplomate, participa également à cette inscription (5).
ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR l’EDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE
ALLOCUTION DE M. AMADOU-MAHTAR M’BOW
DIRECTEUR GENERAL DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR l’EDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE
A la cérémonie marquant l’inscription de Quito et des Galápagos sur la liste du patrimoine mondial, culturel et naturel
Quito, le 27 juillet 1979 (6)
Monsieur le Ministre de l’Education et de la Culture,
Monsieur le Président du Conseil de Planification,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Préfet,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,
Monsieur le Président du Conseil de Planification,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Préfet,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,
C’est avec émotion que je me retrouve, une nouvelle fois, dans cette ville faite de «pierres et de nuages» -selon l’expression d’un de vos grands poètes -à l’occasion de l’apposition des plaques qui marquent, simultanément, l’inscription du centre historique de Quito et celle des Iles Galápagos, sur la liste du patrimoine mondial culturel et naturel.
Cette cérémonie marque en effet l’aboutissement des efforts patients déployés par tous ceux qui, en Equateur comme dans le reste du monde, œuvrent pour que soient préservées, pour toujours, les œuvres de l’art et les lieux privilégiés de la nature, qui, du fait de leur qualité, constituent indivisiblement le bien commun de l’humanité.
Je tiens à dire, ici, toute ma gratitude au peuple équatorien et à son gouvernement, pour la part importante qu’ils ont prise à cet effort, comme pour l’exceptionnelle qualité des liens qu’ils ont contribué à tisser, entre leur pays et l’UNESCO.
Je voudrais aussi souligner la contribution importante que le programme des Nations Unies pour le Développement et l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature apportent aux projets de coopération entre l’Equateur et l’UNESCO. Je voudrais enfin remercier l’architecte Rodrigo Pallares, Directeur National du Patrimoine Culturel, pour l’efficacité de sa participation aux travaux du Comité du Patrimoine Culturel, ainsi que M. Teodoro Suarez, Directeur des Parcs Nationaux, pour sa confiance et fidèle collaboration et dire, une fois de plus, à M. Fernando Dobronsky, Ministre de l’Education et de la Culture, Président de la Commission Nationale de l’Equateur pour l’UNESCO, combien j’ai apprécié le climat de confiance et de mutuelle estime qui a toujours entouré nos relations de travail.
Mesdames et Messieurs, l’homme s’efforcera et à juste titre d’éliminer, partout où elles subsistent dans le monde, l’injustice et la misère; il accroit son emprise sur la nature et améliore constamment les conditions matérielles de son existence. Mais il fait souvent sans égards aux conséquences qui peuvent en résulter pour son cadre de vie et pour son équilibre même, enclin qu’il est à ne concentrer son attention que sur les problèmes du présent, négligeant ainsi les apports fécondants du passé et faisant prévaloir généralement les considération de la productivité et de la rentabilité immédiate sur celles de la culture et de l’écologie.
Or, il n’est de développement réel que celui qui préserve l’existence de l’homme, améliore ses conditions de vie et permet l’épanouissement de toutes ses facultés et de toutes ses aspirations matérielles aussi bien qu’intellectuelles, spirituelles et morales. Un tel développement suppose le double respect de l’identité de chaque peuple et de l’intégrité de son cadre de vie.
Car les espoirs d’aujourd’hui sont indissociables de l’histoire d’hier, et les aspirations de la société sont inséparables des exigences de son environnement. Ainsi, les ouvrages ciselés par la main de l’homme, les valeurs qui fondent l’être des peuples, comme les sites façonnés par le temps, recèlent-ils une part irremplaçable de la mémoire du monde –dont il est essentiel de s’inspirer pour frayer le futur. De plus la survie de l’homme d’aujourd’hui en tant qu’espèce ne peut-être dissociée de la sauvegarde du milieu naturel où il s’établit, car toute atteinte grave à l’intégrité de celui-ci peut avoir sur la vie elle-même d’incalculables conséquences.
L’UNESCO a pour mission de veiller, non seulement à partager l’environnement et en particulier les ouvrages et les sites les plus significatifs, mais aussi à les rendre accessibles au plus grand nombre. Elle a pris à cet effet de multiples initiatives, dont l’une des plus marquantes a été l’adoption, en 1972, par la 17ème session de sa conférence générale de la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel.
Cette Convention associe, pour la première fois, la sauvegarde du patrimoine culturel comprenant des œuvres architecturales, des ensembles monumentaux ou traditionnels et les sites archéologiques, inscriptions, grottes et groupes d’éléments ayant une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l’Histoire, de l’Art ou de la Science -à celle du patrimoine naturel constitué par les réserves et les parcs nationaux, représentatifs de l’évolution de la terre et de la diversité de sa flore et de sa faune.
La Convention affirme les responsabilités de la communauté internationale toute entière à l’égard de cet héritage, établit pour la première fois un système de protection collective pour les éléments significatifs de la nature, comme pour les œuvres les plus représentatives du génie de l’homme et, qui, à ce titre, revêtent une valeur mondialement reconnue. Elle a instauré un réseau de coopération et d’assistance internationales, qui vise à seconder les Etats dans leurs efforts qu’ils déploient pour identifier et préserver ces biens -instituant à cet effet un Comité intergouvernemental, le «Comité du Patrimoine Mondial».
L’Equateur, premier pays de l’Amérique latine à ratifier la Convention, a été élu membre et Vice-Président du Comité dès la Première Assemblée Générale des Etats Parties. Il a été aussi le premier Etat partie à la Convention à soumettre des propositions d’inscription à la Liste du patrimoine Mondial. La première tâche du Comité a été en effet d’établir cette liste. A sa première session tenue à Paris en juin-juillet 1977, il a adopté les critères permettant de définir les lieux, culturels ou naturels, dotés d’une valeur universelle exceptionnelle. Et lors de sa deuxième session, tenue à Washington au début de septembre 1978, il a choisi, selon ces critères, les douze premiers sites jugés dignes de faire partie du patrimoine mondial.
Quito et les Iles Galápagos, dont l’inscription avait été proposée par l’Equateur, figurent sur cette liste. Et cette consécration de leur valeur universelle est un hommage rendu, à la fois, à la beauté d’un pays et à la qualité de ses hommes.
La ville de Quito n’a-t-elle pas, elle-même, offert à l’action de l’homme un cadre naturel incomparable? A 2818 mètres d’altitude, le volcan Pichincha et les collines du Panecillo et de l’Ichimbía ont fourni aux bâtisseurs successifs de la cité, un incomparable écrin. Dans la capitale du légendaire Royaume des «Quitus», puis dans celle, bâtie au 15ème siècle, de la partie nord de l’Empire des Incas, le Tahuantinsuyo, la nature exerce déjà sur l’homme un irrésistible attrait. Et lorsque les espagnols y fondent, en 1534, San Francisco de Quito, ils subissent, comme leurs prédécesseurs la fascination du site.
Leur sensibilité artistique s’adapte au grandiose environnement des Andes, pour y faire éclore un ensemble urbanistique d’une puissante originalité. Les monuments qui s’y concentrent, l’harmonie de leurs formes, la richesse et la variété des sculptures et des peintures qui les ornent, confèrent à Quito une place centrale dans l’art hispano-américain composé d’aspects multiples. Fusionnant des apports multiples, indiens, espagnols, italiens, flamands, les artistes y ont développé un style qui a rayonné ensuite dans tout le Continent, celui de «l’Ecole de Quito». Cet exceptionnel ensemble de chefs d’œuvre de l’art plastique, qui témoigne si intensément de la sensibilité et de l’irréductible foi d’un peuple, méritait bien de figurer sur la première liste du patrimoine mondial -et que cet acte fût consacré par la cérémonie, empreinte de sereine dignité, qui nous réunit aujourd’hui.
C’est à un autre titre évidemment que les Iles Galápagos sont inscrites sur cette liste. Charles Darwin a souligné les caractéristiques uniques que présentent ces Iles du fait de la très grande variété des espèces animales et végétales qui s’y trouvent. Cet archipel volcanique constitue un écosystème complexe et unique qui, en raison notamment de l’influence des courants marins qui le bordent, et de la diversité des abris que la nature volcanique de son relief offrent à la faune et à la flore, abrite une concentration sans pareille d’animaux et de plantes rares. Plusieurs d’entre-eux ont d’ailleurs développé sur place des caractéristiques spécifiques, déterminées par l’influence d’un tel environnement. Les Iles Galápagos sont, à juste raison, considérées comme un musée vivant de l’évolution des espèces. «Que ce soit dans l’espace ou dans le temps, écrivait Charles Darwin à leur sujet, on a ici l’impression de se rapprocher quelque peu de cet événement important, ce mystère des mystères que représente la première apparition de nouveaux êtres sur la terre».
Grâce à l’inlassable labeur, au courage et à l’intelligence du peuple équatorien, la «Terre désirée» de Quito, comme les «Iles enchantées» de Galápagos, ont jusqu’ici pu survivre aux cataclysmes naturels, et surmonter les chocs causés par l’urbanisation ou par les fantaisies des hommes.
Il est, désormais, de la responsabilité morale de la communauté internationale toute entière, de participer solidairement à l’effort que requiert leur protection permanente. Ainsi pourront-elles s’ouvrir à l’admiration du monde, tout en restant, Monsieur le Ministre de l’Education, selon la très belle image que vous utilisiez en inaugurant le colloque d’architectes urbanistes tenu en 1977 sous les auspices de l’UNESCO, semblables à «l’ancienne maison familiale, toujours renouvelée et toujours vivante».
En organisant en mai-juin 1978 à Quito et aux Galápagos, avec la collaboration du Gouvernement équatorien un séminaire international de journalistes, consacré à la conservation du patrimoine culturel et naturel de l’Equateur, l’UNESCO a voulu contribuer à donner au monde une pleine conscience de la valeur de ces sites pour susciter l’élan de solidarité qu’appelle leur préservation.
Je voudrais, réaffirmer de nouveau à l’intention des représentants du Gouvernement de l’Equateur, comme de tous les participants à la présente cérémonie, le ferme engagement de l’UNESCO à soutenir, dans tous les domaines qui la concernent, l’œuvre de développement des ressources culturelles et naturelles de ce pays.
Certes, elle a participé à la création et à l’équipement de l’atelier de restauration des biens culturels du Couvent de Saint Augustin de Quito; comme elle collabore avec la Maison de la Culture, avec la Direction Nationale du Patrimoine Culturel, avec le Centre International d’Etudes Supérieures en Communication (CIESPAL) et le Département de publications du Ministère des Affaires Etrangères. Mais notre contribution vous le savez, ne se limite pas à la défense du patrimoine équatorien. Elle couvre tous les domaines de compétence de l’Organisation.
Dès le début de cette décennie, l’Equateur était choisi comme Siège d’un projet pilote d’alphabétisation fonctionnelle -et j’y effectuais alors, en qualité de Sous-Directeur Général pour l’éducation, ma première visite. J’y revenais en janvier 1978 en tant que Directeur Général, au cours d’un voyage qui nous permettait de tirer, ensemble, le bilan de l’action qui y est entreprise en coopération avec l’UNESCO.
En matière d’éducation, outre le projet pilote que je viens de mentionner, l’Organisation a apporté son concours, grâce notamment au financement du PNUD, à l’effort de planification et d’administration de l’éducation, de développement de l’enseignement rural et technique, de création du système national de nucléarisation éducative pour le développement rural et d’organisation de l’Institut national de formation du personnel enseignant.
Dans le domaine des sciences exactes, elle a contribué à la création de la station scientifique «Charles Darwin» sur l’Ile de Santa Cruz, fourni son assistance à l’Institut d’Océanographie et à l’Ecole Polytechnique nationale et apporté son appui à l’élaboration de la politique scientifique et technique.
Dans le domaine des sciences sociales, elle a largement participé aux activités entreprises sous les auspices de la Faculté Latino-Américaines des Sciences Sociales en vue de favoriser le développement et appuyé les efforts de son Siège académique de Quito et ceux de l’Institut de recherches économiques de l’Université Catholique de Quito.
En outre, l’UNESCO a collaboré depuis presque vingt ans avec la CIESPAL, dans le domaine chaque jour plus important de la communication sociale, conçu dans le contexte de développement.
Excellences,
Mesdames, Messieurs,
Mesdames, Messieurs,
Notre génération est confrontée à une tâche sans précédent dans l’Histoire de l’humanité -celle de penser l’avenir et d’organiser le présent en des termes qui tout en tenant compte de toutes les spécificités, soient pour la première fois, effectivement universels. Elle est aussi appelée à réaliser, sur les bases de la justice, de la solidarité, une coopération de plus en plus féconde entre les nations du monde, afin que l’épanouissement de chacune d’elles, loin d’apparaître comme une menace aux autres, soit au contraire perçu comme une promesse d’enrichissement pour toutes.
Cette coopération a des probabilités d’avoir tout le succès escompté, si seulement elle dépasse le cadre des accords politiques et économiques existant entre les Etats; si elle s’étend aux multiples champs de la culture qui est la seule qui peut faire naître dans l’esprit des peuples la pleine conscience de leur destinée commune . C’est pour cela que la préservation de l’héritage historique de chacun d’entre eux, comprenant dans le reste du monde des ramifications qui se sont développées à travers l’ossature des siècles, sont devenus une condition vitale de la compréhension et du respect mutuel à l’échelle planétaire.
L’Equateur et l’UNESCO peuvent, ici, se féliciter de plein droit de chercher ensemble à y contribuer.
Merci beaucoup.
Avant le début de la Deuxième session du Comité Intergouvernemental pour la Protection du Patrimoine Mondial Culturel et Naturel, nous lisons: «Au cours des jours à venir, les travaux du Comité du patrimoine mondial marqueront une étape importante pour la promotion de la conservation du patrimoine culturel et naturel, d’une valeur universelle exceptionnelle dans le monde entier… f) Jimmy Carter (La Maison Blanche, Washington, 1er septembre 1978 – message adressé à M. David Hales, Délégué du Comité du patrimoine mondial, Département d’État, Washington, D.C. 20520 – Annexe I)». En ce qui concerne l’Équateur, il est rare que des propos formulés par un Président états-unien se soient avérés aussi justes. En effet, grâce au rôle de la diplomatie équatorienne, cette session historique autour du centre historique de Quito et des Îles Galápagos changera positivement et pour toujours l’histoire de notre ville et de notre archipel, tel que nous le verrons ci-dessous à travers le texte traduit en espagnol (pour la première fois peut-être), des parties pertinentes de ce rapport de plus de vingt pages, qui permet de mieux faire connaître le rôle du Ministère des Affaires Étrangères Équatorien:
«CC-78/CONF.010/10 Rev Paris, 9 octobre 1978 Original: anglais
ORGANISACION DES NATIOS UNIES POUR L’EDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE
COMITE INTERGOUVERNEMENTAL DE LA PROTECTION DU PATRIMOINE MONDIAL CULTUREL ET NATUREL
Deuxième session Washington, D.C. (Etats-Unis d’Amérique) 5-8 septembre 1978 Rapport final
INTRODUCTION
1. La deuxième session du Comité intergouvernemental de la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel (ci-après désigné sous le nom de «le Comité») s’est tenue à Washington du 5 au 8 septembre 1978. Assistaient à la session les représentants des Etats membres du Comité du patrimoine mondial dont les noms suivent: Allemagne (République Fédérale d’), Australie, Canada, Egypte, Equateur, Etats-Unis d’Amérique, France, Irak, Iran, Nigéria, Pologne, Tunisie, Yougoslavie.
OUVERTURE DE LA SESSION
5. Le Président, M. Firouz Bagherzadeh, a ouvert la deuxième session du Comité. Après avoir souhaité la bienvenue aux Etats membres du Comité, aux représentants des organisations ayant statut consultatif et à tous les autres participants, il a rappelé les grands progrès déjà accomplis dans la mise en œuvre de la Convention grâce aux efforts des Etats parties à la Convention, des membres du Bureau, du Secrétariat et des organisations ayant statut consultatif. Il a conclu en se déclarant convaincu que la session serait fructueuse et agréable.
6. M. David Hales, Sous-secrétaire adjoint pour la pêche et la faune et les parcs nationaux, du Département de l’Intérieur des Etats-Unis, a souhaité la bienvenue aux délégués au nom des Etats-Unis d’Amérique. Il a transmis au Comité un message écrit du Président des Etats-Unis, Jimmy Carter, dont le texte est reproduit à l’Annexe I. Le Comité a beaucoup apprécié le message personnel du Président des Etats-Unis d’Amérique et de demandé au Président de transmettre à Jimmy Carter ses remerciements, pour avoir honoré l’ouverture de la deuxième session par un message.
III. ELECTION DU PRESIDENT, DES VICE-PRESIDENT ET DU RAPPORTEUR
12. Le Comité a élu le Président par acclamation M. David Hales (EUA). Le Comité a ensuite élu par acclamation les vice-présidents, les délégués de l’Egypte, de l’Equateur, de la France, de l’Iran et du Nigéria et le rapporteur, le professeur Krzysztof Pawlowski (Pologne). Le nouveau Président a invité les délégués à marquer leur reconnaissance par acclamation à M. Firouz Bagherzadeh pour la façon magistrale dont il avait dirigé les travaux du Comité de l’an passé.
VI. EXAMEN D’ACTIVITES D’INFORMATION DU PUBLIC
26. L’ancien rapporteur a présenté le point de vue du Bureau sur la question. Il a souligné que, de l’avis du Bureau, il conviendrait d’étudier, dans les meilleurs délais, la mise au point d’une campagne publicitaire générale pour promouvoir les objectifs de la Convention et les travaux du Comité. Une telle campagne contribuerait à informer le public de l’importance que revêt la conservation du patrimoine mondial; elle accélérerait les ratifications des Etats membres à la Convention; elle inciterait au versement de nouvelles contributions au Fonds du patrimoine mondial, et, d’une façon générale elle permettrait d’entreprendre l’action éducative engagée dans le cadre de la Convention elle-même.
27. Après un très long débat, le Comité a convenu de créer un sous-comité chargé de procéder à un examen approfondi des activités à entreprendre par le Comité en matière d’éducation et d’information du public.
28. Le Président a alors désigné le Président et les membres du sous-comité en la personne de M. Peter Bonnett, les seconds étant les délégués de l’Equateur, des Etats-Unis, de la France, de l’Irak, de l’Iran et des représentants d’organismes consultatifs.
29. En rendant compte des travaux du sous-comité, son président souligna les objectifs du programme d’information du public proposé. 1°) Il devrait se concentrer sur les objectifs de la Convention, les travaux du Comité, les critères d’inscription des sites sur la liste du patrimoine mondial, et les différentes formes d’assistance disponibles, pour les Etats au titre de la Convention en donnant des exemples d’assistance déjà octroyée. On devrait donner moins d’importance à la liste du patrimoine mondial jusqu’à ce qu’il y ait suffisamment de sites inscrits pour qu’elle devienne vraiment représentative du patrimoine mondial. 2°) Le programme devrait se situer à deux niveaux international et national. Au niveau international les facilités et les moyens qu’offrent l’Unesco, l’ICOMOS, l’ICCROM et l’UICN devraient être utilisées. Au niveau national, les Etats parties à la Convention devraient être encouragés à promouvoir celle-ci en utilisant les mécanismes gouvernementaux. La brochure sur la Convention éditée par le gouvernement canadien et distribuée aux délégués était un bon exemple de l’initiative d’un gouvernement. L’assistance des organisations on gouvernementales devrait aussi être utilisée par les Etats pour promouvoir les objectifs de la Convention. On pourrait inclure non seulement les comités nationaux des organisations internationales telles qu’ICOMOS ou l’UNICN, mais aussi toutes les autres organisations non gouvernementales dont le but est la conservation.
Le président du sous-comité procéda ensuite à la présentation de suggestions pour un programme à l’information du public de trois ans.
VIII. EXAMEN DES PROPOSITIONS D’INSCRIPTION SUR LA LISTE DU PATRIMOINE MONDIAL
36. Le rapporteur précédent a présenté au Comité des biens qui, selon le Bureau, seraient admis à figurer sur la Liste du patrimoine mondial. Il a ensuite appelé l’attention du Comité sur les trois biens figurant sur cette liste susceptible de répondre aux critères relatifs à l’inscription sur la liste en question, mais pour lesquels la documentation nécessaire faisait défaut au moment de la réunion du Bureau.
37. Le Comité a examiné ces trois cas en premier lieu et a constaté avec satisfaction que la documentation appropriée concernant deux de ces biens avait été reçue dans l’intervalle. En ce qui concerne le troisième cas (parc national «Ichkeul»), le Comité a décidé, en accord avec le délégué de la Tunisie, de reporter sa décision à la prochaine session, sous réserve de la réception des renseignements demandés.
38. Après avoir accepté intégralement la liste proposée par le Bureau, le Comité a décidé d’inscrire les douze biens énumérés ci-après sur la Liste du patrimoine mondial:
NOM DES BIENS INSCRITS SUR LA LISTE DU PATRIMOINE MONDIAL
–Canada: Parc national historique de l’Anse aux Meadows; Parc national Nahanni
–Equateur: Iles Galápagos; Ville de Quito
–Ethiopie: Parc national du Simien; Eglises creusées dans le roc de Lalibela
–République Fédérale d’Allemagne: Cathédrale d’Aix-la-Chapelle
–Pologne: Centre historique de Cracovia; Mines de sel de Wieliczka
–Pologne: Centre historique de Cracovia; Mines de sel de Wieliczka
–Sénégal: Ile de Gorée
–Etats-Unis d’Amérique: Mesa Verde; Yellowstone
39. Le Comité a en outre décidé de reporter à sa troisième session l’examen de toutes les autres propositions d’inscription énumérées dans le document CC-78/CONF/010/7. En ce qui concerne ces propositions et celles reçues après la réunion du Bureau (qui sont énumérées dans le document CC-78/CONF/.010/7 Add.1) (il n’a pas été possible d’en assurer l’examen technique exhaustif, la traduction et la communication à tous les Etats membres du Comité dans les délais impartis avant la deuxième session). Ces deux groupes de propositions seront donc transmis aux fins d’examen au Bureau avant d’être étudiées par le Comité lors de sa prochaine session.
40. Le Président a alors remercié les Etats parties de leurs efforts qui ont permis de commencer à établir la Liste du patrimoine mondial. Il a également rappelé qu’il ne fallait nullement interpréter la date et l’ordre d’inscription d’un bien sur la Liste du patrimoine mondial comme une indication que le bien remplit les conditions requises ou comme une appréciation sur sa valeur par rapport à d’autres biens figurant sur la Liste, étant donné qu’ils répondaient tous aux critères adoptés par le Comité.
41. Le Comité a poursuivi ses travaux par l’examen des dates de clôtures futures appropriées pour la présentation des propositions d’inscription et a décidé que pour être examinées à la prochaine réunion du Bureau, les propositions d’inscription devraient parvenir au Secrétariat au plus tard le 1er mars 1979. A partir de 1980, la date limite de présentation des propositions sera le 1 er janvier afin de donner au Secrétariat, à l’ICOMOS et à l’UICN davantage de temps pour le dépouillement et l’examen technique des nouvelles propositions d’inscription.
[…]
CC-78/CONF.010/10/Rev. Annex III/Annexe III
LISTE DES PARTICIPANTS (A)
I. Représentants des Etats Membres du Comité du Patrimoine Mondial. […]
EQUATEUR
M. Rodrigo Pallares
Directeur National del Instituto de Patrimonio Cultural
M. Rodrigo Pallares
Directeur National del Instituto de Patrimonio Cultural
Dr. Luis Gallegos Chiriboga
Conseiller Ambassade de la République de l’Equateur
Conseiller Ambassade de la République de l’Equateur
(A) Les autres membres à cette deuxième session du Comité: l’Australie, le Canada, l’Egypte, la France, la République Fédérale d’Allemagne, l’Iran, l’Iraq, le Nigéria, la Pologne, la Tunisie, les Etats-Unis d’Amérique et la Yougoslavie; les observateurs: le Brésil, le Maroc, le Panama, la Suisse, la Syrie y une liste d’Organismes invités à titre consultatif (7)».
Quarante ans après ce succès diplomatique qu’il faut bien qualifier d’historique, nous pouvons affirmer que, avec la Pologne et l’Éthiopie, l’Équateur est le premier pays au monde à incorporer des biens culturel et naturel inscrits sur la Liste du Patrimoine Mondial ; en outre, en 1978, ce fut le seul pays du continent américain et d’Amérique Latine à être reconnu par l’UNESCO comme patrimoine culturel et naturel (8).
Ainsi pour conclure, et une fois ces succès diplomatiques mis en valeur, nous proposons d’illustrer ces documents officiels avec la reproduction d’une série d’articles d’un acteur et témoin de ces événements.
Vigie de la Tour Eiffel
LA VILLE DE QUITO ET LES ÎLES GALÁPAGOS:PATRIMOINE DE L’HUMANITÉ
I
I
Dr. A. Darío Lara
Spécial pour El Tiempo (9)
Spécial pour El Tiempo (9)
Tous ceux qui avons eu la chance de participer aux cérémonies diverses et solennelles de la déclaration officielle de Quito Patrimoine de l’Humanité, le vendredi 26 juillet, nous n’oublierons jamais que nous avons vécu un de ces moments qui marquent l’histoire d’une ville, d’une nation. De la cérémonie solennelle et académique à l’Assemblée nationale, de la cérémonie civile de la déclaration officielle sur la Place de l’Indépendance à la séance solennelle de l’Illustre Municipalité de Quito, les heures furent lumineuses et profondément émouvantes. Les discours, les allocutions qui furent prononcés peuvent constituer un beau poème en hommage à la ville historique d’Atahualpa et de Benalcázar, d’Espejo et de Mariana de Jesús; de tant de héros et de mystiques, de peintres et de sculpteurs, de poètes et d’écrivains qui donnent à notre pays un rang honorable dans le concert des peuples les plus cultivés.
Les interventions de Monsieur Amadou Mahtar M’Bow, Directeur général de l’UNESCO, de Monsieur le Ministre de l’Éducation, le général Fernando Dobronsky, du Maire de Quito, Monsieur Alvaro Pérez, de Monsieur Rodrigo Pallares Zaldumbide…, parmi les plus remarquables, devront être conservées dans un livre d’or comme des pages qui éterniseront les gloires de l’illustre Ville.
Le samedi 27, on a dû déclarer aussi les Galápagos comme Patrimoine Naturel de l’Humanité. Nous n’avons pas pu participer aux cérémonies de ce programme; les discours n’ont pas dû être aussi nombreux, aussi éloquents que ceux prononcés dans la Capitale. Permettez-moi donc -en évoquant quelques paragraphes précédents, peu connus de nombreux lecteurs- de rappeler un bref mais merveilleux chapitre relatif à ces îles enchantées, chapitre qu’il me fut donné de vivre très loin de la terre équatorienne.
Dans mes déjà longues années de présence dans les bureaux de l’Ambassade de l’Équateur à Paris, quelques dates et quelques faits se détachent particulièrement de la monotonie du travail quotidien, et resteront dans la fragilité du temps qui passe.
Ainsi, comment ne pas évoquer, vingt ans après, la visite de la comtesse de Moustier, venue nous révéler le Journal de mes voyages autour du monde de son illustre grand-père, le vicomte René de Kerret. Cette visite, ce journal sont à l’origine d’un livre et, plus que d’un livre, d’une série de recherches. Comment ne pas évoquer, en 1964, la visite du fils parisien de Juan Montalvo, enfin découvert et trouvé pour l’histoire montalvienne.
Et, vingt ans après, comment ne pas rappeler un autre évènement qui est à l’origine de l’une des plus belles aventures dont il m’a été donné d’être témoin. Dans les premiers mois de 1958 en plein hiver, je vis arriver cette messagère blonde, en réalité, Ghislaine la blonde indéfinissable, qui venait, au nom d’un de ses amis, demander des informations sur les Îles Galápagos, la vingtième province de l’Équateur.
Ce jeune Alsacien qui, sur les terres brûlantes du Maroc, s’occupait de questions éducatives, ce passionné de photographie, de films qui rêvait de mondes exotiques, de merveilles, en quelque lieu lointain, enchanté… était Christian Zuber. Peut-être parce qu’il avait lu «Galápagos, Îles enchantées», un article d’une revue de l’UNESCO, tournait-il depuis lors son regard et ses rêves vers ce pays inconnu.
Ghislaine fut le messager chargé d’établir le contact entre Christian et l’Ambassade de l’Équateur. Quelques mois plus tard, un dimanche de printemps, dans une salle modeste et froide, l’apprenti cinéaste projetait devant l’Ambassadeur Lisímaco Guzmán et moi-même ses premiers courts-métrages: L’Alsace et ses cigognes, et de curieux reptiles du Maroc.
Après le soutien définitif de l’Ambassade et les démarches d’un Consul équatorien à Hambourg, en novembre 1958, il y a vingt ans, à bord du Portinus, Christian s’embarqua pour le pays de ses rêves, pour les Îles de son aventure. En décembre, il arriva à Guayaquil, en pleine chaleur tropicale. L’accueil à Quito, grâce à plusieurs recommandations, fut cordial; les autorités équatoriennes, plusieurs amis, parmi lesquels je dois mentionner un autre futur Ambassadeur à Paris, Cristóbal Bonifaz Jijón, lui facilitèrent tout. Dans un de ses beaux livres, Christian a tout raconté avec sincérité et humour.
En janvier 1959, un avion militaire le transporta aux Îles Galápagos, où il passera, non les trois mois prévus, mais huit mois, vécus intensément, admirablement mis à profit… Un premier reportage pour la revue «Paris-Match» (novembre 1959) avec le récit de son voyage et l’histoire merveilleuse d’un pays d’iguanes et de tortues géantes, d’oiseaux exotiques, de cormorans et de flamants roses, et de 39 Européens évadés de la civilisation moderne fut le début d’une œuvre que, jour après jour, année après année, nous avons vue se développer, acquérir des résonnances inespérées.
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LA VILLE DE QUITO ET LES ÎLES GALÁPAGOS: PATRIMOINE DE L’HUMANITÉ
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Mais, le point d’orgue de ce premier voyage, la manifestation que je pourrais qualifier de triomphale, nous l’avons vécue le soir du samedi 22 octobre 1960, quand, dans la salle Pleyel absolument bondée, après la présentation cordiale de Paul-Émile Victor, on projeta pour la première fois, dans le cadre du programme «Connaissance du Monde», le film GALÁPAGOS de Christian Zuber. L’impact que produisit ladite projection fut extraordinaire, inoubliable. Tous ceux qui étaient présents croyaient, en réalité, vivre un rêve merveilleux, parcourir un pays d’exotisme, d’innocence comme au matin du premier jour de la création. Chose inhabituelle: la foule qui assistait à cette grande «première» applaudit cinq fois spontanément et chaleureusement des scènes qui certainement avaient été filmées pour la première fois et qui, pour la première fois, étaient révélées aux yeux curieux du monde civilisé. «Extraordinaire, merveilleux, admirable…» étaient les épithètes qui circulaient de bouche en bouche dans la salle, tandis que des applaudissements prolongés assuraient à l’artiste jusqu’alors inconnu la consécration totale que seul le public parisien accorde à ceux qui réussissent vraiment à l’émouvoir. Ce succès provoqua une avalanche de lettres à l’Ambassade. Les Îles Galápagos devinrent un rêve à la portée de tous, un pays où la vie avait son véritable sens.
Ensuite… il est inutile de prétendre présenter Christian Zuber. La projection de films en tant de pays, en tant de continents, son programme «Caméra au poing» à la Télévision française, ses milliers de présentations et de conférences, ses nombreux livres, son dernier programme réalisé avec RTL qui fit vivre, en septembre 1978, à un groupe d’élèves du Lycée de Dammarie-les-Lys, l’aventure fabuleuse d’un voyage à ces Îles, tout cet effort admirable a été orienté vers une même finalité: la protection des animaux, la sauvegarde de la nature. Après tant de voyages autour du monde, de visites dans les pays les plus divers et dans les coins les plus exotiques, l’action de Christian Zuber a transformé son nom, comme le panda de la «World Wildlife Fund» dont il est un des membres du Comité international, en un symbole connu universellement et aimé.
Mais, en tant qu’Équatorien et parce que Christian Zuber a commencé son aventure en Équateur et que sa consécration est liée aux Îles Galápagos, il me faut rappeler ici cet aspect équatorien de son activité. Après sa visite en 1959, il était inévitable qu’il y revînt et il y est revenu en 1962. De nouveaux films, de nouveaux livres, d’autres conférences et projections. Nouvelle avalanche de lettres à l’Ambassade. Lors du troisième voyage, 1973, tout comme du quatrième, 1975, sa femme Nadine et son fils Olivier l’accompagnent. Au cours de ce dernier voyage, après 200 jours passés à parcourir les Îles, navigateurs radieux et solitaires à bord du Mistral, Christian prépare un nouveau film, le même qu’il présenta, pour la première fois, encore dans la salle Pleyel, en octobre 1976. Les milliers de spectateurs qui, chaque fois, remplissent la salle confirmèrent son succès. Leur admiration égale celle des premiers spectateurs, en 1960. La princesse Caroline de Monaco qui assistait à la projection reçut alors sa première proposition pour visiter les Galápagos.
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Réuni à Washington pour sa seconde séance, du 5 au 8 septembre 1978, le Comité du Patrimoine Mondial inscrivit douze sites culturels ou naturels de sept pays «qui méritent d’être préservés au bénéfice de toute l’humanité». La ville de Quito et les Îles Galápagos, ce capital fabuleux de la nature et de l’humanité, se trouvent sur cette liste exceptionnelle.
Cette consécration, en ce qui concerne les Îles Galápagos, est le résultat de longues années de campagne menée par les Autorités équatoriennes, par des scientifiques et des chercheurs des quatre coins du globe, par des organismes internationaux, par des associations comme la «Charles Darwin», qui se sont occupés de la protection de cette nature privilégiée, de ces espèces d’animaux qui ont attiré l’attention de tant de scientifiques et de touristes. Une loi, en 1958, avait déclaré lesdites Îles «réserve nationale». Dans ce travail, je n’exagère pas en affirmant que l’œuvre réalisée par Christian Zuber pour la connaissance, la protection des Îles Galápagos le placent presque au premier rang. Grâce à ses films, livres, conférences… en utilisant des techniques modernes, ce jeune Alsacien, qui, il y a vingt ans, s’est lancé dans une des plus belles aventures de notre temps, a donné aux Îles Galápagos leur résonnance, leur prestige comme personne.
Le Gouvernement de l’Équateur, grâce en particulier aux démarches de l’Ambassadeur Antonio José Lucio Paredes, ex ministre des Affaires étrangères, l’a reconnu solennellement. Et, par d’étranges circonstances, qui ne sont pas rares dans la vie diplomatique, il me revint le privilège, un jour de l’hiver 1978, en présence de Nadine et de mon épouse, de lui remettre la médaille d’Officier de l’Ordre national du Mérite de l’Équateur. Vingt ans après la messagère blonde, la décoration tricolore arrivait.
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[…] Face à ce panorama lugubre, comment ne pas apprécier l’œuvre que réalise Christian Zuber, dont le thème principal est le retour à la nature primitive, à la vie originelle qui permet, sans illusions, sans mensonges, de jouir de l’authentique joie de vivre. La présentation de ses films des Îles Galápagos, sa campagne pour la protection de la vie dans ses états les plus purs et précaires sont les antidotes les plus salutaires pour tous ceux qui ont le privilège d’habiter, ne serait-ce que momentanément, dans l’univers zubérien. Ce monde enchanté dans lequel il nous plonge à chacune de ses projections. Monde qui traverse les âmes et nous introduit dans le mystère. Monde des îles lointaines, qui aurait enchanté Saint-John Perse, le poète des Oiseaux, à qui Paul Claudel aurait consacré une de ses grandes Odes ou qu’il évoqua, peut-être, dans «L’Esprit et l’eau». Mondes, celui de ces sommets de la poésie de ce siècle, qui se baignent comme les Îles enchantées, dans une lumière paisible, aux bruits naturels, aux voix primitives, comme dans un immense mouvement des eaux qui invite à l’évasion. Monde des Îles lointaines, monde de poésie qui évoque l’ampleur d’horizons couverts de multitudes d’oiseaux disséminés à tout vent ; monde de couleurs constamment renouvelées par une main invisible qui semble s’éloigner sans cesse, tout en étant toujours présente… Monde et poésie de parfaite clarté, de sérénité, où se balance légèrement une infinie tristesse.
Les siècles passent. L’homme et les choses changent. D’autres hommes viendront avec leur travail quotidien, toujours inachevé, avec leur tâche toujours recommencée… Mais, sans nostalgies, sans regrets hostiles, en quittant ces mondes entrevus par la caméra de Christian, ces paysages qui se défont: ils continueront à agiter notre mémoire, à vibrer dans notre sensibilité. Et à côté de ces mondes inaltérables, comme un vol immense d’oiseaux, comme une agitation de l’esprit et de l’eau: Saint-John Perse et Paul Claudel -les plus grands poètes, assurés de l’éternité sur les cendres de tant de falsificateurs de l’art, blasphémateurs dérisoires d’hier- leur chant est l’accompagnement adéquat et sans pareil pour le poème lyrique, en couleur, construit brillamment par le cinéaste français.
Ce monde avec la fascination des Îles lointaines sera dorénavant un Patrimoine Naturel de l’Humanité, une réserve sans égale pour l’homme désenchanté de cette fin de siècle mais inlassablement en quête permanente de quelque rêve impossible.
NOTES:
(2) Note 3, ibidem.
(3) Ibid. ; p. 85. Nous reproduisons la note 10, qui nous intéresse particulièrement : «Note 4-1-98/72, 10 mai 1972, de l’Ambassade de l’Équateur en France, au Ministère des Affaires Étrangères. Dans son rapport, A. Darío Lara, avec un grand sens visionnaire, souligne toute l’importance qu’aurait la coopération internationale dans le patrimoine mondial et suggère quelques lignes d’action à ce sujet».
(4) Ibid.; p. 86.
(5) Nous remercions Catherine Lara pour avoir traduit cette première partie, ainsi que les notes.
(6) Organisation des Nations-Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture. Allocution de Monsieur Amadou-Mahtar M’Bow, Directeur Général de l’Organisation des Nations-Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture, lors de la cérémonie d’inscription de Quito et des Îles Galápagos sur la liste du patrimoine mondial, culturel et naturel. Quito, 27 juillet 1979. Nous tenons à remercier Nuria Ametler, fonctionnaire du Comité du Patrimoine Mondial de l’UNESCO, qui très gentiment nous a permis d’obtenir ce texte en français.
(8) Si nous analysons la «Liste du Patrimoine Mondial» de l’UNESCO telle que reproduite actuellement, nous remarquons que le fait d’avoir été pionnier dans ce domaine fut très important pour assurer le succès international de cette Convention et de la carte interactive
(9) El Tiempo, Quito, jeudi 9 août 1979. Nous remercions très chaleureusement mme. Nicole Fourtané pour avoir traduit cet article.
(10) El Tiempo, Quito, vendredi 10 août 1979. Nous remercions très chaleureusement mme. Nicole Fourtané pour avoir traduit cet article.
(11) El Tiempo, dimanche 12 août 1979. Nous remercions très chaleureusement mme. Nicole Fourtané pour avoir traduit cet article.
(12) El Tiempo, lundi 13 août 1979. Nous remercions très chaleureusement mme. Nicole Fourtané pour avoir traduit cet article.