PREFACIO
Finalmente, agradecemos el estímulo y el concurso del Instituto Nicaragüense de Cultura (INC) y del Ministerio de Relaciones Exteriores de Nicaragua (MINEX) que, con colaborar en la creación de estos Cuadernos, contribuyen a enriquecer la cooperación cultural franco-nicaragüense.
Christophe Coupry
Servicio Cultural de la Embajada de Francia.
Oficina de Acción Lingüistica.
Managua, 24 de Febrero de 1992.
L’EQUATEUR ET LA FRANCOPHONIE CULTURELLE* *
La réponse à cette question est avant tout historique et non pas exclusivement géographique. En effet, au XVIIIè siècle les savants européens; et surtout l’Académie des Sciences de Paris, étaient très intéressés par l’une des plus grandes controverses scientifiques qu’aura connu ce siècle: la détermination de la grandeur et de la configuration de la terre. Rappelons qu’il y avait deux hypothèses dominantes qui avaient chacune ses champions et ses détracteurs. Celle de Newton qui soutenait qu’en vertu du mouvement de la rotation de la terre celle-ci était aplatie aux pôles et celle des frères italiens Cassini qui croyaient que cet aplatissement se situait sur l’équateur.
L’Académie des Sciences de Paris, à ses propres frais, décida d’envoyer deux expéditions scientifiques, en 1735, dans les régions polaires de la Laponie et en 1736, à la Présidence de Quito, le nom, à l’époque, de mon pays durant la colonie espagnole (1).
Nous insistons bien sur le fait que la plupart des savants de cette mission étaient déja célèbres en Europe; il s’agissait donc de grands spécialistes de l’Académie de Paris, en la matière. Ainsi Charles – Marie de La Condamine, mathématicien, naturaliste et géographe; Joseph de Jussieu, médecin et botaniste; Philippe Bouguer, plus connu pour ses travaux d’hydrographie; Louis Godin, astronome, géomètre et architecte; Couplet, astronome; Sénièrgues, chirurgien et Morainville, ingénieur et peintre.
Avant de poursuivre notre récit ouvrons une parenthèse pour insister sur le fait que La Condamine se lia d’amitié avec le géographe équatorien, Pedro Vicente Maldonado, et qu’ensemble ils descendirent l’Amazone jusqu’à l’Atlantique. Leur amitié fut si profonde qu’à son arrivée à Paris Ch-M. de La Condamine le fit nommer membre honoraire de l’Académie des Sciences de Paris et le savant équatorien s’y était rendu pour faire graver sa carte du Royaume de Quito, oeuvre qu’il ne put voir terminée bien qu’il restât deux ans en France, à la Cour de Louis XV. Malheureusement la mort le surprit à Londres, cependant son fidèle ami et premier biographe, Ch-M. de La Condamine, fit terminer la gravure des planches et remit l’oeuvre, y compris l’ensemble des manuscrits du géographe, à l’Ambassadeur d’Espagne en France qui les envoya à Madrid.
Voilà bien un exemple qui montre très clairement l’une des raisons principales qui m’ont permis de démontrer cette influence de la francophonie culturelle sur l’Equateur.
Les encyclopédistes français influencèrent de nombreux révolutionnaires équatoriens venus à Paris ou qui s’y sont éduqués, comme Vicente Roca Fuerte, ou tout simplement en vivant à Quito, qui y ont lu et étudié les oeuvres interdites, comme ce fut le cas du savant équatorien Eugenio de Santa Cruz y Espejo qui , dès 1780, voyait la nécessité de proclamer l’indépendance, ce qui lui valut de nombreuses arrestations et finalement la mort dans les prisons espagnoles de Quito. Dans ce siècle «éminemment révolutionnaire» comme l’écrivit si bien le grand penseur colombien, German Arciniegas (7), est-ce une coïncidence si le 10 août 1809 la Présidence de Quito lança le premier cri d’indépendance contre l’Espagne et créa le premier gouvernement indépendant de l’Amérique espagnole?
Prenons un exemple, peut – être le plus marquant, celui de Juan Montalvo. Pourquoi? Montalvo est un des grands maîtres de la prose espagnole des XIXè et XXè siècles et le créateur de l’essai moderne hispano-américain.
gran artista, te sientes dominado
por esa claridad como encendida
por la mano de Dios. Oye, ya suena
ese vago, incesante clamoreo,
de una generación que se entusiasma
al ver la obra que brota de tu mente.
La emulación llenando el pecho núbil,
de esperanza y deseo. Tu obra grande
es una voz que suena poderosa
dando aliento y vigor. Loor eterno
al hispano gigante celebrado
que creo la epopeya de la burla
mezclada con las lágrimas dolientes;
y gloria de la América garrida
hijo osado, que el vuelo tiende ahora
hasta donde los astros resplandecen.
Mira, ya sobre ti flota la lumbre,
y tú penetrarás su excelso arcano
(¿Cómo no has de acercarte hasta la cumbre
si Cervantes te leva de la mano?» (8).
Juan Montalvo vécut en France à trois époques bien déterminées (9). En 1857, l’ex-Président Equatorien José Marra Urbina fut désigné en poste à Paris et nommé à la catégorie de Ministre et il choisit notre écrivain comme Attaché civil. Mais pour des raisons politiciennes J.M. Urbina dut abandonner son voyage. Malgré ce contre-temps, Juan Montalvo vint à Paris en 1857 et il fut nommé comme Secrétaire de la Légation équatorienne, le 1er. juillet 1858. Montalvo avait 25 ans, c’est- à – dire qu’il était en pleine force de l’âge, bercé d’illusions, plein d’ambitions artistiques et à la recherche du prestige littéraire. Il étudia donc beaucoup, médita énormément et il apprit intensément. Mais pour des raisons de santé il dut abandonner la France et il retourna en Equateur, en 1860.
Son troisième déplacement, encore comme éxilé durera jusqu’à sa mort puisqu’un autre dictateur avait pris le pouvoir, le Général Ignacio Veintimilla (1876-1883), contre lequel comme grand polémiste il écrira une des satires les plus féroces de toute la littérature hispano-américaine sur la dictature:»Las Catilinarias». Ce furent sept ans de vie difficile où il souffrit terriblement de son exil, malgré les joies de la vie familiale. Et il mourut à Paris, en 1889, au 26 rue Cardinet, où l’on peut voir actuellement inscrit sur une plaque ce qui suit:
» Juan Montalvo
Né à Ambato Equateur le 13 avril 1832
mort éxilé à Paris, le 17 janvier 1889
polémiste, essayiste, penseur
maître insigne de la prose espagnole
choisit la France son pays d’élection pour y finir ses jours
et mourut dans cette maison «.
En effet Juan Montalvo publia plusieurs de ses écrits à Paris et en 1975 lors du «Colloque de Besançon», le premier organisé en France au sujet de son oeuvre, en mémoire du centenaire de la publication des «Siete Tratados» à Paris, de nombreux universitaires se réunirent pour aborder divers points de la création littéraire de Juan Montalvo (11).
y el ensayo fue ruin
aunque tu soberbia al fin
a la perfección llegó.
Pero con burlas y veras
se te ha dado mucho azote…
Vete, infeliz neo-Quijote
Vete a Ambato a comer peras» (12).
Ces attaques répétées et bien souvent par les plus grands intellectuels équatoriens de l’époque, presque toujours fruits de l’envie et de la convoitise, firent réagir Juan Montalvo bien souvent avec grande violence, ce qui l’amena parfois à renier sa patrie, notamment dans cette phrase restée célèbre:
«Denme un Ecuador Libre, ilustrado, digno y soy ecuatoriano; de lo contrario me quedo sin patria» (13).
Autre déception ce fut l’attitude de la Royale Académie Espagnole de la Langue qui ne lui ouvrit pas ses portes pour des raisons essentiellement politiques. L’Académie était extrêmement conservatrice et Juan Montalvo, comme nous l’avons déjadit était un des plus grands représentants intellectuels latino – américains du libéralisme.
L’autre version voudrait que sa candidature fût rejetée par la Royale Académie comme l’affirma l’un de ses membres, Luis Carreras, qui dans un de ses articles publié dans la revue» Europa y América», le 15 mars 1885, et après avoir traité les «Immortels» de «Cuervos y Lechuzas», «Gramáticos Cojos» et «Filólogos Zurdos», écrivit:
Maintenant on sait que sa candidature ne fut jamais présentée; c’est une regrettable injustice commise par les Académiciens d’avoir refusé cette distinction à l’un des plus grands représentants hispano-américains de la langue espagnole.
Ce jeune et brillant ingénieur – poète publiera dans des revues comme; «Intentions, Philosophies, la Nouvelle Revue Française», etc, et au milieu des meilleurs écrivains de son époque: André Breton, Jean Cassou, Jean Cocteau, Paul Eluard, Max Jacob, Valéry Larbaud, Saint – John Perse, Marcel Proust, Raymond Radiguet, André Salmon, Philippe Soupault …. Un génie puisqu’il apprit parfaitement le français à 16 ans et qu’il devint un grand poète francophone. Ecoutons un de ses pairs et maître de la poésie française de notre siècle:
«Gangotena, vous avez du génie. C’est quelques fois dommage -toujours merveilleux. Ne dites à personne notre projet de gloire. Je m’en charge. Venez vite avec le reste. J’ai déja annoncé à (?)que je lui préparais une surprise. votre Jean Cocteau.»
Et, finalement, Jacques Maritain qui: «admire la grandeur tragique» de sa poésie et affirme:
Après tous ces éloges et ne pouvant analyser la poésie d’Alfredo Gangotena, je vous propose la lecture d’un de ces poèmes: Le Solitaire. (Anexe N 1).
Ce que furent ses dernières années a été résumé en quelques lignes chaleureuses par Jules Supervielle:
«Après les horribles jours de 1940, Gangotena se consacra à notre cause et fit, si l’on peut dire, de la France sa religion. Abandonnant ses affaires et ses études, il consacra tout son temps et toutes ses forces à notre pays. Il fut le porte-parole du Comité de la France Libre en Equateur, devant les autorités de son pays, devant ses amis et, spécialement devant les ennemis de notre cause… C’est ma modeste contribution pour ma patrie spirituelle disait-il. Quelques minutes avant sa mort (le 23/12/1944) en pleine conscience if demanda à sa soeur (mariée au comte de Monlezun partisan dès la première heure du général de Gaulle), à être enterré avec cette Croix de Lorraine qu’il portait toujours sur lui» (23).
Alliance Française de Managua, le 5 février 1992.
NOTES:
(1) Francisco TERAN: Geografîa deI Ecuador. Libresa, Quito Ecuador, onceava edición, 1984. Pages 9 a 16.
(3) Ibid, page 115.
(4) Idem note l, pages 12 à 13.
(5) Estanco = Prohibición de la venta libre de una mercancia, monopolio.
(6) Alfredo LUNA TOBAR: El Ecuador en la Independencia del Perú. Banco Central deI Ecuador, Quito-Ecuador. Tomo 1ro. Pages 32 à 40.
(7) German ARCIENAGAS: Bolívar y la Revolución. Libro Libre, San José, Costa Rica, 1986. Primera página del prólogo.
(8) Rubén DARIO: Poesía Completa. Biblioteca Popular de Cultura Universal, editorial Nueva Nicaragua. Page 81.
(9) Darío LARA: Montalvo en París. Subsecretarfa de Cultura. 1. Municipio de Ambato. Quito-Ecuador, 1983, tomo 1. Pages 21 à 22.
(10) Idem note 2, page 125.
(12) Galo René PEREZ: Un Escritor entre la Gloria y las Borrascas-vida de Juan Montalvo. Biblioteca de la Revista Cultura VI, Banco Central de Ecuador, Quito, 1990. Page 266.
(13) Ibid, page 269.
(14) Ibid, page 252.
(15) Ibid, page 449.
(16) Ibid, page 446.
(17) Claude COUFFON: Alfredo Gangotena Poèmes Français recueillis et présentés par Claude Couffon. Collection Orphée, La Différence, Paris, 1991, page 8.
(18)Ibid, page Il.
(19)Ibid, page 18.
(20)Ibid, page 20.
(21)Ibid.
(22)Ibid, page 9.
(23)Ibid, pages 21 à 22.
Je suis bossu.
Ce n’est point le noeud de ma cravate,
Mais la solitude que je tords.
Vraiment j’ai tortCar les volets éclatent
Et la chambre sue de me contenir.
Le fleuve de lune soulage les entrailles du cabanon.
Rien
Que les murmures de ma tête
Haletant les violons de l’araignée.
La bougie éteinte:
Un poisson véloce avale
Le sillage de sa lueur.
Est-ce la route des Indes?
Dans ma poitrine grince l’équipage.
Le zodiaque soudain émeut son engrenage
Sur l’impondérable coupole des Andes.
En haut:
La sinistre horloge des astres.
Et l’amorce de l’aube; l’avalanche des cimes;
Les aurores foisonnent dans l’amiante platinée.
Terre de Norvège!
ô murs de glace!
Sagittaire des forêts,
Un vent séculaire me flamboie aux tempes.
Prenez le large,
Ô sombre armée,
Ô nombres coincés dans le golfe de ma pensée!
J’ai beau lézarder le sol de mes cris
– Moi charnière de l’orage -;
Lécher les bavures du silence;
Abattre la digue de mes larmes:
Jamais!
Jamais, dans mon âme, je n’entendrai
Siffler le dard de Votre lumière!
Ah! Seigneur, dès l’étagère,
Daignez entendre ma plainte amère.
*** Idem note 17/ pages 55 à 56.
– Actas del Coloquio de Ecuador 1986. Cultura; Revista deI Banco Central deI Ecuador. 250 años de la Primera Mision Geodésica, Quito Ecuador, enero-abril 1986, números 24a, 24b y 24c.
– Germán ARCINIEGAS: «Bolívar y la Revolución». Libro Libre, San José, Costa Rica, 1986.
– Jorge CARRERA ANDRADE:» Les Relations Culturelles Franco-Equatoriennes», Cahier des Amériques Latines, Série arts littératures, Paris 6è.
– Claude COUFFON: » Alfredo Gangotena». Poèmes français recueillis et présentés par Claude Couffon. Collection Orphée-La Différence, Paris,1991.
Rubén DARIO: » Poesía Completa». Biblioteca Popular Cultural Universal, editorial Nueva Nicaragua.
– A. Darío LARA: » Montalvo en París «. Subsecretaría de Cultura. I. Municipio de Ambato. Quito – Ecuador, 1983, 2 tomos.
– Alfredo LUNA TOBAR: » El Ecuador en la Independencia del Perú».Banco Central deI Ecuador, Quito-Ecuador, 3 tomos.
– Galo René PEREZ: » Un Escritor entre la Gloria y -las Borrascas- vida de Juan Montalvo». Biblioteca de la Revista Cultura VI, Banco Central del Ecuador, Quito 1990.
– Francisco TERAN:» Geografía del Ecuador» Libresa, Quito-Ecuador, onceava edici6n, 1984.
– Francisco TERAN:»Nuevas Páginas de Geografía e Historia» -Las Misiones Geodésicas Francesas en el Ecuador. Instituto Panamericano de Geografía e Historia, Quito – Ecuador, 1982.
– Neptalí ZUÑIGA:»La Expedición Científica de Francia del Siglo XVIII en la Presidencia de Quito». XI Asamblea General deI IPGH y Reuniones Panamericanas de Consulta Conexas, Quito-Ecuador, 1977.
Claude LARA BROZZESI
AUTRES ÉTUDES SUR CE SUJET
–Carrera Andrade et les Lettres françaises de A. Darío Lara
* Né en 1959 à Paris. De nationalité Équatorienne; Etudes scolaires en France. Licencié En Civilisation hispanoaméricaine; Docteur en Droit International (Université de Paris X); Diplomate exerçant actuellement les fonctions de Deuxième Secrétaire de l’Ambassade de l’Équateur au Nicaragua. Cofondateur (…) de la revue AFESE (Association des Fonctionnaires et Employés du Service Extérieur équatorien); Collabore aussi aux revues Revista de Ciencias Internacionales, et aux quotidiens équatoriens (…) El Expreso, El Meridiano. Va publier en 1992 aux Editions de la Banque Centrale de l’Equateur: «El territorialismo Latinoamericano en el Derecho lnternacional del Mar». A paraître aussi : «La Doctrina Latinoamericana y el Sistema Marítimo del Pacífico Sudeste».